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7 septembre 2015

Éducation à la laïcité

Pour les collègues PE

Laïcité

La laïcité désigne le courant de pensée et les mesures prises pour exclure les Églises du fonctionnement de l’État. Elle est liée au mouvement de sécularisation qui vise à diminuer l’influence de ces dernières au sein de la société. Préconisant la neutralité religieuse, la laïcité s’est transformée au cours du XIXe siècle en une démarche belliqueuse contre le catholicisme qui se conclut par la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905. Cette loi entérine un processus de sécularisation déjà bien amorcé au XIXe siècle. Le terme vient de « séculier », c’est-à-dire qui appartient au siècle et donc au monde. Il est utilisé à propos du recul de l’influence des Églises et de leurs doctrines dans la société.

Pour notre propos, la laïcité trouve avant tout ses racines dans le "combisme". En effet, au début du XXème siècle, les relations de la France avec le Saint-Siège s’enveniment du fait de la politique anticléricale menée par Emile Combes et de l’intransigeance du nouveau pape Pie X. Le 29 juillet 1904, le gouvernement décide de rompre les relations diplomatiques avec le Vatican. Dès lors, la voie est ouverte à la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Il s’agit en fait d’une revendication ancienne (et essentielle) des républicains dont l’anticléricalisme s’apparentait à une "foi laïque", rationaliste et positiviste, en partie issue des Lumières. Le progrès, la science, l’éducation devaient faire reculer l’ignorance, l’obscurantisme et la superstition. Le pouvoir civil devait soumettre le pouvoir religieux et l’exclure de la vie politique et de la société.

Capture d’écran 2015-04-11 à 07

Ses événements ont été très largement commentés et représentés dans le domaine artistique comme l'illustre cette lithographie anonyme ("La Séparation de l'Eglise et de l'Etat") conservée au musée Jean Jaurès. Selon Alain Boscus, Emile Combes est déjà en action. Sa francisque s’apprête à trancher le nœud gordien (central) aux robustes entrelacs forgés par des siècles d’histoire. Fort réjoui, Voltaire lui donne la force nécessaire. Nouveau " Dieu " dont la pureté laïque et franc-maçonne ne saurait être mise en doute, le philosophe des Lumières envoie ses rayons bénéfiques à l’exécuteur. La République est consentante. Figurée en "Marianne de petite vertu", elle s’efforce de tendre la corde et s’attend à la séparation tout en continuant à s’interroger et en hésitant à la regarder vraiment en face. L’Eglise, représentée par le pape, continue d’être surveillée de près par Emile Combes. Fort mécontente de l’opération, elle subit, incapable d’apprécier la situation à sa juste valeur. Au premier plan, à terre, tranchant avec la surface bien dégagée sur laquelle se déroule l’action, un moine grassouillet au nez rouge (un chartreux ?) cuve son vin, une bouteille pleine dans les bras, une croix dans la main (croix sur laquelle un verre est gravé…). Une fois le nœud tranché, la République ne reconnaîtra, ne salariera, ne subventionnera plus aucun culte. Mais elle assurera la liberté de conscience et garantira le «libre exercice des cultes», comme le mentionneront les deux premiers articles de la loi promulguée le 9 décembre 1905. Le thème de la séparation de l’Eglise et de l’Etat a maintes fois été traité de cette façon-là par les caricaturistes, mais avec des tonalités partisanes plus ou moins républicaines et plus ou moins anticléricales. L’anticléricalisme de cette lithographie riche en symboles est par exemple très accentué. Le moine à terre en est une preuve tout comme les détails de la tenue du pape, qui relèvent de la moquerie pure et simple, tout en insistant sur l’opulence de l’Eglise, son étrangeté et son extériorité par rapport à la société civile.

Cette lithographie, jamais reproduite jusqu’à ces dernières années, évoque une date essentielle de l’histoire de France. Si son côté partisan ne nous aide pas à comprendre que la loi de séparation fut finalement une loi de liberté et de conciliation (en dépit de son côté radical, net et bien tranché…), l’œuvre nous permet de saisir les passions extrêmes qui opposèrent, au tournant du siècle, cléricaux et anticléricaux (y compris les appels à la résistance, les menaces et condamnations lancées par Pie X après le vote de la loi et, en 1906, au moment des Inventaires). Donnant une place centrale à Emile Combes alors que la loi, fruit d’un travail collectif, fut promulguée après la chute de son gouvernement, cette allégorie correspond bien aux deux idées principales que chacun se fait encore aujourd’hui de cet épisode historique. D’une part le "petit père Combes", ancien séminariste devenu anticlérical, est bien à l’origine de la Séparation en dépit de ses penchants concordataires. D’autre part, le "combisme" mis en œuvre par le bloc des Gauches fut bien une politique de combat menée sans fard et soutenue activement par une partie non négligeable de la population, afin qu’advienne cette République laïque tant désirée mais maintes fois ajournée. 

L'analyse de cette notion dans le contexte scolaire et républicain suppose de se pencher sur les lois Ferry. Selon Francis Simonis (Livre d’histoire du professeur des écoles, Paris, Seli Arslan, 2004), pour consolider la République, il faut soustraire la jeunesse à l’influence de l’Église, ce qui passe nécessairement par le contrôle de l’enseignement primaire. On aurait tort ce­pendant d’imaginer que la IIIe République alphabétise des petits Français qui ne connaissent pas les chemins de l’école. La majeure partie des enfants fréquente l’école dès avant Ferry, la loi sur l’obligation scolaire de 1882 n’ajoutant que 600 000 élèves aux 3 800 000 enfants scolarisés avant elle. L’essentiel s’est joué sous la monarchie de Juillet avec la loi Guizot de juin 1833 qui contraignit chaque commune à entretenir au moins une école primaire élémentaire et chaque département une école normale d’instituteurs. La gratuité avait de même fortement progressé avant l’instauration de la République. Une première loi instaure la gratuité de l’enseignement primaire (16 juin 1881) avant la loi du 28 mars 1882 sur l’obligation et la laïcité. Le prêtre n’a plus dé­sormais accès à l’école publique, et le catéchisme ne peut être enseigné qu’en dehors d’elle, les classes vaquant nécessairement un jour par semaine pour permettre aux parents qui le souhaitent de faire donner un enseignement religieux à leurs enfants. Les programmes officiels prescrivent cependant l’étude des "devoirs envers Dieu". La loi Goblet du 30 octobre 1886 complète le dispositif en décidant que tous les congréga­nistes qui enseignent dans le public devront être remplacés par des laïcs dans les cinq ans. Les républicains, enfin, ne suppriment pas l’enseignement privé qui reste bien vi­vace. Ils comptent cependant sur l’école publique pour affermir le régime et interdire à jamais toute restauration. L’histoire est alors une pièce maîtresse des programmes qui exaltent la nation et ses héros, quand la géographie permet aux petits Français de se re­présenter un espace national qu’ils ne connaissent pas.

Selon Pierre Albertini, dans la triade « gratuité, obligation, laïcité », l’élément le plus révolution­naire est donc sans contestation possible le troisième. S’il y a révolution scolaire vers 1880, c’est avant tout une révolution des perspectives, des programmes et des contenus. Les contemporains ne s’y sont pas trompés et c’est sur le thème de la rupture avec l’enseignement clérical qu’ont eu lieu entre 1879 et 1886 les plus vigoureuses empoignades (L’École en France XIXe-XXe siècle, Paris, Hachette, 1992).

Pour aprofondir le sujet :

Articles scientifiques :

Réactions de l'APHG sur les événements Charlie Hebdo

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