Une notion, un jour...
Genre de vie
Un genre de vie est un ensemble de caractéristiques communes (culturelles, économiques, techniques) d’un groupe humain, héritées par la tradition, caractérisant le mode d’existence d’un groupe dans un cadre spatial donné. Son étude permettait auparavant de mettre en évidence des contrastes de moins en moins prégnants face à l’uniformisation des modes de vie.
Cette notion, très utilisée par les géographes du début du XXe siècle, semble aujourd’hui désuète. Selon le Dictionnaire de la géographie de Pierre George, « genre de vie »
désigne dans l’œuvre des géographes français du début du XXe siècle, l’ensemble des formes matérielles d’existence de groupes humains vivant en économie fermée ou semi-fermée, caractérisée par un thème fondamental d’activité vitale : genres de vie pastoraux, genres de vie de pêche et de chasse ou de cueillette, ou par l’association étroite de cette économie avec un milieu géographique de production : genre de vie des riziculteurs extrême-orientaux, genres de vie montagnards, etc. (Pierre George, Dictionnaire de la géographie, 3e éd. rev. et augm., Paris, PUF, 1984, p. 211)
La notion est au cœur de la géographie classique. L’un de ses auteurs emblématiques, Paul Vidal de La Blache, l’a présentée dans un article célèbre de 1911 : « Les genres de vie dans la géographie humaine » (Paris, Annales de géographie, vol. 20, p. 193-212 et p. 289-304). Elle apparaît de nouveau avec précision dans ses Principes de géographie humaine (Paris, Armand Colin, 1922). Il estime que les groupes humains réagissent aux contraintes physiques (sol, relief, climat, etc.) par les genres de vie qu’ils développent. La géographie vidalienne consiste donc essentiellement en l’analyse des aptitudes naturelles des territoires et des genres de vie qui ont pu s’y mettre en œuvre. Cela apparaît nettement dans un extrait du Tableau de la géographie de la France de 1903 :
Il n’y a pas de races propres au Massif Central. Mais elles y sont assez anciennement établies pour que l’adaptation soit devenue intime entre leur genre de vie et le sol. C’est elle qui marque les habitants d’une effigie originale. Les moyens de communication et de transport rencontrent de grands obstacles dans le massif. De toutes les rivières qu’il distribue autour de lui, aucune – à l’exception, pour le temps jadis, de l’Allier – n’est navigable dans les limites qu’il circonscrit. Beaucoup de prétendues vallées ne sont que la ligne d’intersection de deux versants abrupts, entre lesquelles il n’y a place que pour un torrent écumant. Le charroi est difficile sur les sentiers raboteux. Réduit aux ressources locales, et obligé de compter sur ses bras, l’homme a fondé son existence sur un mode d’exploitation qu’expliquent à la fois la nature du terrain et le morcellement de la contrée. (Paul Vidal de La Blache, Tableau de la géographie de la France, 1903, p. 281-282)
La notion a ensuite été reprise et enrichie par Max Sorre dans son article « La Notion de genre de vie » (Paris, Annales de géographie, 1948, p. 97-108 et 193-204). Il précise encore sa position dans L’Homme sur la terre (Paris, Hachette, 1961). Pour lui, un genre de vie est
un ensemble collectif de pratiques transmises et consolidées par la tradition grâce auxquelles un groupe humain entretient son existence dans un milieu déterminé » (L’Homme sur la terre, op. cit., cité par Jean-René Bertrand et Anne Ouallet, « Communautés », Réso, n° 17, mars 2002, p. 7)
Max Sorre propose encore d’étendre cette notion aux formes d’existence liées à des activités professionnelles en milieu industriel, par exemple le genre de vie des cheminots.
Aujourd’hui, la notion de genre de vie semble passée de mode chez les géographes. Après un étonnant retour dans les programmes en 2002, la notion a de nouveau disparu dans les programmes d’avril 2007. Pourtant, nombre d’ouvrages de cycle 3 continuent de proposer aux élèves l’analyse de genres de vie spécifiques comme étant un élément de différenciation et de contraste à l’échelle de la planète (« Regards sur le monde : des espaces organisés par les sociétés humaines »).
La nature fait les hommes semblables, la vie les rend différents. (Confucius)
Il y a peu de différence entre un homme et un autre, mais c’est cette différence qui est un tout. (William James)
Pour aller plus loin
Bailly Antoine et Ferras Robert, Éléments d’épistémologie de la géographie, Paris, Armand Colin, 1997.