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Didactirun
11 avril 2015

Une notion, un jour...

Pour les collègues PE

Révolution

Pour une première approche

Une révolution est une rupture, brusque et radicale, dans un processus d’évolution historique, que ce soit dans les domaines politique, écono­mique ou culturel. Si ce terme est aujourd’hui galvaudé, cette prestigieuse étiquette ne saurait se limiter au moindre changement dans le cours de l’histoire. Des conditions spécifiques de maturation et d’élaboration sont requises et font l’objet de débats vifs dans la communauté des historiens.

Prise de la Bastille et arrestation du gouverneur M. de Launay, le 14 juillet 1789. ANONYME

Quelques précisions

Qu’est-ce qu’une révolution ? Quelle est l’importance de ce concept dans le champ historique ? Aujourd’hui, le mot est devenu courant et est utilisé pour mentionner toute nouveauté dans nos sociétés modernes. Pourtant, le concept en lui-même n’a été élaboré qu’après des débats âpres et tendus qui sont loin d’être terminés. Il désigne avant tout les révolutions poli­tiques et les renversements soudains de régimes politiques. Pour la défini­tion de ce concept, les sources utilisées ont été diverses. Les juristes ont initié la recherche sémantique afin de mieux cerner la répression inhérente au phénomène. Les philosophes et les hommes de lettres ont, eux, engagé une réflexion pour mieux comprendre le monde en mouvement et les bouleversements issus de leur propre expérience. Enfin, les politiques ont donné une véritable dimension idéologique à ce concept, devenu un véri­table enjeu de pouvoir.

Le sujet est en vogue dès le XVIIIe siècle, les contemporains ayant cons­cience qu’une ère nouvelle est en marche. Déjà dans l’Émile, en 1762, Rousseau prophétisait : « Nous approchons de l’état de crise et de l’ère des révolutions. » Pourtant, les philosophes de cette période considèrent que le terme de « révolution » peut porter en lui une contradiction. Étymo­logiquement, il signifie un « retour sur soi », un recommencement de ce qui a déjà été et une prévision de ce qui sera ; il s’agit d’une « évolution » qui revient. Or, historiquement, le terme s’entend comme une rupture.

Il faut attendre le XIXe siècle pour que ce concept prenne son sens mo­derne. En ce sens, les travaux menés par Alain Rey et Michel Péronnet pour le Dictionnaire de l’Académie française sont révélateurs. En 1762, le premier sens admis a trait à l’astronomie : il s’agit du retour d’une planète à un point de son orbite. Il s’agit aussi d’un changement intervenant dans les affaires publiques, ce changement n’étant pas considéré alors comme une rupture mais simplement comme une évolution. C’est à partir de 1799 que le terme de révolution désigne un « changement mémorable et violent ».

Cette évolution sémantique permet d’affiner les paramètres définissant ce concept. Ainsi, une révolution consiste à « rompre pour établir », à fonder « une rupture radicale » (déconstruction de l’organisation sociale et des principes qui la gouvernent) ; par ailleurs, il convient de ne pas oublier dans cette définition les lendemains d’une révolution, celle-ci n’étant jamais acquise une fois pour toutes, car les forces antagonistes ont la ca­pacité constante de réactiver l’ancien ordre. Une rupture n’est jamais ac­complie complètement et l’événement qui inaugure le nouvel état de choses ne suffit pas. Les principes à l’origine de la rupture ne sont pas opératoires au lendemain du changement. Il faut continuer le combat pour les mettre en place :

Une révolution correspond donc à une transformation radicale. Elle détermine un avant et un après, repérables matériellement, d’abord dans les institutions, ensuite dans les relations entre les individus. (Jean-Clément Martin, Violence et révolution, Paris, Le Seuil, 2006)

D’autres principes vont également toucher de manière spécifique le cas français. Très vite, les révolutionnaires vont considérer que la France est un cas à part dans les mouvements révolutionnaires.

La question se pose aussi de savoir quels phénomènes contestataires sont en droit de revêtir le qualificatif de révolutionnaire. Sur ce point, les historiens et surtout les théoriciens politiques se sont vite divisés. Les termes servant à désigner la violence politique et sociale sont extrême­ment nombreux – agitation, contestation, crise, désordre, émeute, insur­rection, rébellion, révolte, sédition, soulèvement, etc., sans compter des mots spécifiques à une région ou à une époque. La confrontation entre ces notions s’est surtout focalisée sur les termes de révolte et de révolution, l’antagonisme entre ces derniers pouvant être situé à trois niveaux. Tout d’abord, sur le plan de l’intensité, la révolte est petite, dispersée et dispa­rate, tandis que la révolution est grande, totale et globale. Le deuxième niveau concerne l’objectivité ou la subjectivité du mouvement : la révolte est l’affaire d’individus qui réagissent brutalement dans des conditions subjectives ; la révolution n’apparaît que lorsque l’histoire produit les conditions d’une fusion, d’une synthèse. Contrairement à la révolution, la révolte est bien souvent réprimée, et se définit donc a posteriori comme un échec. Le révoltéa soif de justice, il cherche un idéal qu’il ne connaît pas encore, mais auquel il aspire de toute son âme. Le révolutionnaire suit un cheminement inverse : il part d’un idéal pour tenter de réformer le réel.

Malgré cette mise au point, il est évident que la frontière entre les mots est incertaine. On glisse d’un mot à un autre pour désigner parfois les mêmes faits, comme l’illustre la réponse du Duc de La Rochefoucauld, au lendemain de la prise de la Bastille, à Louis XVI, lorsqu’il s’interroge sur les événements parisiens : « C’est une révolte ? Non, sire, c’est une Ré­volution ! »

Les différentes révolutions au programme

Les révolutions politiques sont les seules à être clairement indiquées. La Révolution de 1789 mais aussi celle de 1848 sont ainsi explicitement sou­lignées. Elles s’inscrivent dans des séquences aux objectifs quelque peu différents. La première se pense comme l’entrée dans la modernité, alors que la seconde doit pouvoir ancrer l’idée d’une conquête progressive des libertés au XIXe siècle. Il s’agit aussi de voir quels changements elles ont induits, et en quoi elles constituent des ruptures fondamentales vers la modernité politique.

Pour la Révolution française, il n’est pas de notre propos de revenir sur le déroulement chronologique de la décennie (1789-1799) où tout pouvait paraître possible. La radicalité de cette rupture retiendra plutôt notre attention, avec l’esquisse d’un bilan dans les domaines politique, administratif, fi­nancier, économique, religieux et judiciaire. Il s’agit donc d’entrevoir l’héritage révolutionnaire, conformément à l’angle de vue proposé par les programmes du cycle 3.

Au niveau du pouvoir central, la principale évolution relève de la ré­daction d’une constitution pour définir les pouvoirs inhérents de l’État. La Constituante (les États généraux se sont proclamés Assemblée générale constituante le 9 juillet 1789) élabore ainsi une constitution en 1791 et instaure une monarchie constitutionnelle reposant sur la souveraineté du peuple. La séparation des pouvoirs est désormais inscrite dans les textes. Le roi ou les responsables de gouvernement ne détiennent plus que le pouvoir exécutif. Les différentes assemblées de cette période (Législative, Convention, etc.) disposent du pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire relevant dorénavant de magistrats élus et indépendants. La nation détient la souveraineté par le biais d’élections au suffrage censitaire ou universel.

D’un point de vue administratif, le remaniement par rapport aux struc­tures d’Ancien Régime est total. La création des départements, des arron­dissements, des cantons et des municipalités (maire) permet de faire table rase de l’extrême complication et enchevêtrement des circonscriptions administratives précédentes (généralités, gouvernement, provinces, etc.) qui provoquait une confusion des autorités. La charge publique n’est plus exercée par des officiers propriétaires de leurs charges. Désormais, les pouvoirs sont strictement délimités et hiérarchisés autour d’un corps de fonctionnaires nommés et rétribués par le pouvoir central. Malgré l’existence, sous le régime de la monarchie absolue, des intendants, dé­pendants directement du roi, on peut souligner une plus forte centralisa­tion des pouvoirs grâce aux préfets, qui jouent un rôle majeur.

D’un point de vue financier, la centralisation et l’harmonisation des aspects monétaires et fiscaux deviennent des éléments constitutifs d’une plus grande rationalisation des finances publiques. Par ailleurs, le principe de l’égalité devant l’impôt est reconnu par l’abolition des privilèges. Le budget de l’État (à l’origine de la crise financière de la monarchie abso­lue) est désormais consenti par un vote du Parlement et nécessite une pré­vision budgétaire au préalable.

La vie économique sort, elle, des carcans qui lui étaient imposés. L’unicité des poids et mesures, avec l’imposition du système décimal, l’abolition des douanes intérieures et du monopole de Compagnies ou Manufactures royales améliorent la production et la circulation des produits, malgré le maintien d’une protection douanière par rapport à l’étranger. L’organisation même des structures du travail se trouve pro­fondément bousculée avec l’abolition des corporations (loi Le Chapelier de 1791) et l’instauration d’une libre concurrence entre les producteurs.

Le rôle consenti à l’Église et au culte connaît de son côté une profonde évolution préfigurant la sécularisation des sociétés au XIXe siècle. La Constitution civile du clergé, adoptée en juillet 1790, instaure l’indépen­dance du clergé vis-à-vis du Saint-Siège (sauf d’un point de vue doctrinal) et en fait un corps de fonctionnaires élus et rétribués par l’État. Si on revient en 1801 au système du Concordat pour définir les rapports entre l’État et l’Église, cette dernière connaît cependant une profonde modifica­tion de ses compétences. Elle conserve son rôle social dans l’assistance et l’enseignement, mais perd ses compétences en matière d’état civil. Les redevances traditionnelles perçues par l’Église, comme la dîme et les privilèges fiscaux inséparables de ses fonctions antérieures, sont abolies. Le clergé est ainsi rémunéré par le budget des cultes, tout en conservant le droit de percevoir des donations, qui lui permettent de reconstituer peu à peu son patrimoine.

Enfin, le système judiciaire complexe d’Ancien Régime (justice royale, ecclésiastique, seigneuriale), avec une justice payante et des juges pro­priétaires de leurs charges, laisse la place à des juridictions simplifiées et hiérarchisées. Les juges et les magistrats sont dorénavant payés par le pouvoir central et la justice devient gratuite. Le droit n’est plus variable en fonction des héritages géographiques (droit coutumier ou droit romain).

À travers cet inventaire, il est possible de déceler les profondes muta­tions entraînées par la Révolution française, lesquelles marquent l’entrée dans la modernité.

Enfin, dans le domaine économique, les programmes abordent les « révolu­tions industrielles », mais le terme n’apparaît que dans un entrefilet pour une séquence sur le XIXe siècle – le terme générique employé reste plutôt celui d’expansion industrielle. Cette distinction n’est pas anodine et révèle les difficultés d’in­terprétation. S’il n’est pas recommandé de séparer les différentes révo­lutions industrielles, on peut néanmoins imaginer la présentation de leurs caractéristiques pour le XIXe et le XXe siècles.

Dans le domaine culturel, les transformations de la seconde moitié du XXe siècle semblent indiquer une rupture radicale dans l’accès au savoir, mais aussi dans la technicité de sa diffusion.

Citations

La Révolution doit apprendre à ne pas prévoir. (Napoléon Bonaparte)

Le gouvernement de la Révolution est le despotisme de la Liberté contre la Tyrannie. (Robespierre – Montagnard)

La Révolution est comme Saturne : elle dévore ses propres enfants. (Pierre Vergniaud – Girondin)

Pour aller plus loin

Furet François et Ozouf Mona, (dir.), Dictionnaire critique de la Révolution française, Paris, Flammarion, 1988.

Jessenne Jean-Pierre, Révolution et Empire. 1783-1815, Paris, Hachette, 1993.

Jourdan Annie, La Révolution, une exception française ?, Paris, Flammarion, 2004.

Martin Jean-Clément, Violence et révolution. Essai sur la naissance d’un mythe national, Paris, Le Seuil, 2006.

Soboul Albert, Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, PUF, coll. « Quadrige », rééd. 2005.

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