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Didactirun
2 avril 2015

Une notion, un jour...

Une notion, un jour...

Pour les collègues PE

Progrès

Pour une première approche

Selon l’étymologie latine, progressus, le mot « progrès » renvoie à l’idée d’avancer et donc à un mouvement linéaire qui va de l’avant. Dans cette optique, l’humanité suit une progression qui ne peut être que favorable à l’homme. On peut également définir la notion par son contraire, c’est-à-dire la décadence. Cette conception est liée à un mouvement plus cyclique qui se caractérise par des phases de progrès et d’autres de déclin. Par ailleurs, le progrès n’est ni continu, ni global, et concerne les sociétés différemment en fonction des domaines étudiés. Enfin, cette notion prend une dimension spécifique lorsqu’on se penche sur les liens existants entre les progrès techniques ou scientifiques et leurs capacités d’améliorer ou de détruire les conditions de vie des hommes. Ainsi, un progrès ne permet pas forcément à l’homme d’aller de l’avant.

Quelques précisions

Le progrès constitue en soi un changement dans une évolution. Or la conception de l’écoulement du temps a pu varier au cours de l’histoire, avec des mutations différentes suivant les sociétés. Ainsi, au cours de l’Antiquité, la conception cyclique du temps permet de définir des phases de déclin puis de progrès qui se succèdent inéluctablement. Avec l’avènement du christianisme, une conception linéaire du temps se subs­titue à la vision cyclique traditionnelle, impliquant un progrès vers le royaume de Dieu ou bien une décadence ou un déclin. L’homme est dé­sormais au cœur de l’histoire puisque son action définit les règles du changement, ce qui fait dire à Saint-Simon que l’âge d’or n’est plus « derrière nous, il est au-devant ».

La notion de progrès ne se définit que progressivement, entre les XVIe et XVIIIe siècles, sous l’impulsion des recherches de Francis Bacon sur les progrès de la connaissance humaine (« Savoir, c’est pouvoir »), et de celles de Descartes sur l’idée de pouvoir maîtriser la nature. Comme le résume Pierre-André Taguieff :

La science confère aux humains un pouvoir qui ne vient plus d’en haut mais se prouve par ses effets bénéfiques dans une marche en avant sans fin. (Pierre-André Taguieff, « L’Obsession de la décadence », L’Histoire, n° 316, janvier 2007)

La philosophie des Lumières s’engouffre dans ce nouveau détermi­nisme historique. Les publications de Turgot ou de Condorcet concernent le « progressisme historique », et semblent orienter la connaissance de l’homme vers une démarche ontologique. Cela débouche sur les philoso­phies de l’histoire élaborées au XIXe siècle, comme le marxisme. Toujours à partir du rationalisme des Lumières, apparaissent les premières critiques de la notion de progrès. Rousseau mentionne ainsi le fait que le progrès n’est pas global, et avance l’idée que le progrès technique se distingue du progrès moral. De manière paradoxale, cette idée est reprise par les contre-révolutionnaires qui voient dans les changements engagés au cours de la période une décadence irrémédiable. Tout un courant de pensée réactionnaire met en exergue un processus de destruction dont il faut trouver les coupables (francs-maçons, juifs, etc.). Le XIXe siècle est obnu­bilé par le déclin des grandes civilisations, conformément au modèle romain établi par les travaux d’Edward Gibbon (Histoire du déclin et de la chute de l’Empire romain, 1776). Le XXe siècle n’est pas en reste puisque le choc des deux grands conflits mondiaux provoque une remise en cause de la vision progressiste de l’histoire. La mort de masse engendrée par des conflits de plus en plus industrialisés rappelle la distinction établie par Rousseau entre le progrès technique et le bonheur des hommes. Comme le soulignent les programmes du cycle 3, la modernité n’exclut pas le mas­sacre de masse. Cela explique les théories militantes qui apparaissent au début des années 1970 sur la nécessité de remettre en cause les progrès de la science et des techniques. Le progrès peut mener à la catastrophe ; cette idée va à l’encontre de l’optimisme technoscientifique hérité du positi­visme. Ce paradigme est défendu dès 1979 par le philosophe Hans Jonas dans son ouvrage Le Principe responsabilité. L’écologie a pu renforcer ce type de discours en présentant l’homme comme un danger pour la Terre et donc pour lui-même. Les dernières publications du géographe américain Jared Diamond, sur l’idée d’un « effondrement » (collapse) de certaines civilisations, illustrent cette remise en cause d’un progrès linéaire des sociétés humaines. Qualifier de progrès la transformation graduelle ou accélérée d’une chose, d’un être ou d’un état de la réalité ne préjuge donc pas du caractère positif de la transformation évoquée.

Liens avec les programmes

Préhistoire

Moyen Âge

Temps modernes

Les progrès amorcés lors du néolithique permettent de montrer l’amélioration des conditions de vie et une première hiérarchisation de la société.

 

Les évolutions techniques du Moyen Âge, comme l’utilisa­tion de nouveaux outillages agricoles ou de nouvelles archi­tectures religieuses, per­mettent de dégager l’idée qu’un progrès est lié à une meilleure connaissance théo­rique, même si l’empirisme demeure. Ce progrès est initié par les pouvoirs notamment religieux et seigneuriaux.

Le progrès n’est pas tou­jours perçu de manière positive dans les pro­grammes ; ainsi, pour le XVIIIe siècle, on insiste sur le moder­nisme qui se met en place tout en souli­gnant les massacres de la période.

 

XIXe siècle

XXe siècle

La révolution industrielle permet d’entrevoir l’effet d’entraînement des progrès : un progrès peut en entraîner un autre. La spirale des découvertes techniques est particulièrement prisée dans les manuels. On peut aussi faire prendre conscience des oppositions que la société engendre vis-à-vis du progrès. Tel est le cas, par exemple, des académies de médecine qui ont pu montrer leurs réticences dans les années 1830 à l’égard de l’utilisation par l’homme du chemin de fer, jugé trop rapide. On peut également mentionner la destruction des machines-outils par certains ouvriers anglais au début du XIXe siècle pour lutter contre le chômage généré par la mécanisation (le luddisme).

« Le contraste est grand entre l’ampleur des progrès scientifiques et techniques qui entraînent d’incontestables améliorations de vie pour la majorité des Français et des Européens et la violence du siècle. »

Citations

La tradition, c’est le progrès dans le passé ; le progrès, dans l’avenir, ce sera la tradi­tion. (Édouard Herriot)

Despote conquérant, le progrès technique ne souffre pas l’arrêt. Tout ralentissement équivalant à un recul, l’humanité est condamnée au progrès à perpétuité. (Alfred Sauvy)

Le progrès est le mode de l’homme. (Victor Hugo)

Pour aller plus loin

Chaunu Pierre, Histoire et décadence, Paris, Perrin, 1981.

Diamond Jared, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Paris, Gallimard, 2006.

Targuieff Pierre-André, Le Sens du progrès. Une approche historique et philosophique, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2004.

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