Une notion... un jour
Civilisation
Pour une première approche
Situation ou état permettant de distinguer les sociétés humaines selon des critères de différenciation multiples. Nous pouvons reprendre les termes de Lucien Febvre qui caractérisait en 1930 une civilisation par : « l’ensemble des caractères que présente, à l’observateur, la vie collective d’un groupement humain : vie matérielle, vie intellectuelle, vie morale, vie politique et vie sociale ».
Le mot « civilisation » a pour étymologie latine le mot civitas, qui signifie ville. Son sens moderne n’apparaît cependant qu’au siècle des Lumières. La notion de civilisation est ici en opposition à la sauvagerie ou à la barbarie, ce sens étant surtout sensible dans l’utilisation de l’adjectif « civilisé ». Avec la Révolution française, le terme prend ses lettres de noblesse ; est entérinée une acception d’excellence, dans l’optique d’un processus continu de progrès intellectuel, spirituel et artistique des peuples. Les historiens en font un sujet spécifique d’étude à partir du XIXe siècle, amenant une classification précise des éléments qui la composent. Le mot peut désormais se décliner au pluriel, car il met en exergue des réalités matérielles, des structures sociales et des modes d’expression spécifiques en fonction des peuples étudiés. Cette évolution sémantique se concrétise dans le développement des idées nationalistes et impérialistes à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Elle a pour conséquence une obsession de la décadence et l’élaboration d’un discours alarmiste :
Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins […]. Élam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais France, Angleterre, Russie… ce seraient aussi de beaux noms. Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie. (Paul Valéry, Œuvres, Paris, Gallimard, 1957)
« L’extrême violence » (IO) du XXe siècle a pour conséquence une appréciation nouvelle de la notion. Il ne s’agit plus forcément d’évaluer des degrés d’évolution entre les peuples, mais de préciser leurs singularités et leurs richesses. Les travaux de Claude Lévi-Strauss sur la Pensée sauvage
(1962) ont été précieux dans ce domaine. Ensembles cohérents de règles, de savoirs et de croyance, les civilisations ne sauraient être hiérarchisées dans une échelle de progrès.
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Étude des Celtes (Gaulois) et des Gallo-romains |
L’islam : une nouvelle civilisation, des conflits et des échanges en Méditerranée |
Découvertes des civilisations confrontées à la colonisation |
Une civilisation débute par le mythe et finit par le doute. (Emil Michel Cioran)
Le premier fait qui soit compris dans le mot de civilisation, c’est la fait de progrès, de développement. (François Guizot)
Il n’existe pas de peuples non civilisés. Il n’existe que des peuples de civilisations différentes. (Marcel Mauss)
Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. À l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les civilisations. (Octavio Paz)
Nous autres civilisations savons maintenant que nous sommes mortelles. (Paul Valéry)
Pour aller plus loin
Braudel Fernand, Grammaire des civilisations, Paris, Flammarion, 1987.
Brunet Roger, article « Civilisation », in Roger Brunet, Robert Ferras et Hervé Théry, Les Mots de la géographie. Dictionnaire critique, Paris, Reclus–La Documentation Française, 1992.
Diamond Jared, De l’inégalité parmi les sociétés, Paris, Gallimard, 2000.