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Didactirun
5 avril 2015

Une notion, un jour...

Une notion, un jour...

Pour les collègues PE

République

Pour une première approche

Le terme de république peut s’entendre de deux manières : soit comme le gouvernement dans l’intérêt de tous (la « chose publique »), indépendam­ment de la forme de gouvernement, soit comme un régime politique dans lequel le gouvernement n’est pas aux mains d’un monarque héréditaire.

Quelques précisions

Antoine Gros, La République

Cette définition consensuelle laisse de côté l’ensemble des débats qu’elle a pu susciter. Tout d’abord, la genèse de l’idée de république se retrouve dans la tradition antique. L’expression latine res publica désigne une acti­vité publique, les affaires publiques ou l’intérêt public. Res renvoie expli­citement à « propriété », et res publica à « propriété commune aux ci­toyens ». Il est sous-entendu dans cette expression que cette res ne peut ni ne doit être subtilisée par un particulier. Par ailleurs, comme les Romains se veulent héritiers des Grecs, ils affirment que ce terme, qui en réalité n’a aucun équivalent en grec, traduit l’expression ta dèmosia pragmata (les choses du peuple) – un autre rapprochement est possible avec les expres­sions grecques de to koinon (la communauté) et to koinon agathon (le bien commun). Ainsi, le terme renvoie à l’origine à un partage entre les affaires communes et celles du particulier.

C’est à Aristote (384-322 av. J.-C.) que l’on doit l’élaboration philoso­phique de la république. Ce dernier construit un tableau des régimes poli­tiques dans lequel la république a une place effective. Il distingue les ré­gimes politiques en deux groupes : ceux qui visent le bien commun et ceux qui sont au service du bien particulier des gouvernants. Il souligne l’existence de deux types d’autorité, celle du maître (despotês) et celle du gouvernant (politikos). C’est dans la sphère de ce dernier que se réalisent les finalités les plus hautes comme les lois, les institutions et la vie ci­vique. Dès lors, Aristote peut distinguer des types de constitution (politeia) selon que l’autorité souveraine est placée entre les mains d’un seul, du petit nombre ou de la masse des citoyens. Cette classification se double de critères qualitatifs, puisque certaines constitutions ont pour objet l’intérêt commun et d’autres l’intérêt particulier :

•   formes pures : monarchie, aristocratie, politeia (république) ;

•   formes impures : tyrannie, oligarchie, démocratie.

Nous avons hérité des termes forgés par Aristote.

Cicéron, lui, réinvestit le terme de république, qui signifie désormais le « gouvernement des lois », par opposition à l’arbitraire du pouvoir per­sonnel. Dans De Republica (54 av. J.-C.), il défend l’idée selon laquelle une communauté est une république si elle est constituée selon la volonté commune du peuple et non selon celle de telle ou telle faction.

Après une longue éclipse, le terme de « république » s’impose à nouveau à la Renaissance, notamment dans les cités italiennes. La vie civique devient alors le centre des discussions ; chaque cité cherche le « bon gouvernement » en procurant la paix, en déterminant le bien commun et en prévenant les factions. Nicolas Machiavel (1469-1527) retravaille ainsi la notion de république. Son idée centrale n’est pas d’éliminer les conflits, qui ont de bons effets, mais de les maintenir en en contrôlant les effets. Le « bon régime » politique ne saurait être celui qui impose une « harmonie » aux tumultes, mais celui qui évite de neutraliser les conflits en les rendant productifs pour la cité. Dans cette optique, le régime républicain est le régime adéquat, en ce qu’il protège la sûreté des citoyens sans les empêcher d’entrer en désaccord. La république se carac­térise ainsi par le primat des lois et l’amour de la patrie. On voit que la république est surtout définie comme une forme globale ; un prince peut aussi être à la tête d’une république, à charge pour lui de faire respecter les lois. D’une certaine façon, Jean Bodin (1530-1596) fait lui aussi de la république un régime spécifique : la république assure la souveraineté, certes, mais elle peut se concrétiser aussi bien par une monarchie, une aristocratie qu’une démocratie. La république est alors définie par ce qui est « public » par opposition au « privé ».

Les meneurs de la Révolution française ont des référents juridiques fondés sur les auteurs précités. Ils conçoivent plus la république comme un principe général de bien public qu’une véritable forme de gouverne­ment, et ont pu concevoir des formes qui nous paraissent aujourd’hui contradictoires, comme une république monarchique. L’étude de quelques penseurs des Lumières et du modèle anglais illustre cette situation, l’influence anglaise ayant été prédominante dans le domaine des idées. Certes, au cours de sa longue histoire, l’Angleterre n’a fait l’expérience du régime républicain que pendant une courte décennie de 1649 à 1660 ; mais l’importance de ce moment républicain est sans commune mesure avec sa brièveté. La proclamation du Commonwealth (l’empire des lois) par Cromwell a eu pour conséquence une manière différente de considérer la République. Il s’agit d’une forme de cité qui valorise la vertu civique, défend l’indépendance des citoyens et fait l’éloge de la loi. Elle définit une vie publique qui ne doit être monopolisée par personne – on connaît pourtant le régime despotique mis en place par Cromwell…

L’héritage britannique est primordial dans l’élaboration des expé­riences républicaines du XVIIIe siècle, notamment pour ce qui est des ré­flexions sur la liberté politique. Deux auteurs des Lumières reprennent ces réflexions théoriques à leur fondement : Montesquieu (1689-1755) et Rousseau (1712-1778). Le premier distingue trois types de gouverne­ment : la république, la monarchie et le despotisme. Ces gouvernements diffèrent par leur nature et leur principe, c’est-à-dire leur structure et le nombre des détenteurs du pouvoir. De plus, la république, qui défend le règne de la puissance populaire souveraine, se décline selon deux modali­tés : soit le peuple en son entier règne et il s’agit d’une république démo­cratique, soit une partie du peuple règne, et il s’agit d’une république aristocratique. Rousseau, lui, ancre l’idée de république dans un partage : soit ce sont les hommes qui gouvernent, soit ce sont les lois ; être libre consiste à obéir à la loi et jamais à des personnes. Le problème à régler préalablement est donc celui de l’autorité politique. Cette dernière doit relever d’une convention initiale (« contrat ») dont il résulte que le peuple est institué comme souverain. Ainsi se forge un corps politique, une per­sonne publique détentrice d’une souveraineté inaliénable et indivisible. Avec Rousseau, la république est reformulée dans les termes de la démo­cratie.

D’une certaine manière, la Révolution française tire les conclusions de tout ce travail théorique. Cependant, les lumières n’étaient pas républi­caines ; la République fut pour bon nombre de philosophes une « divine surprise ». Les intellectuels des Lumières avaient tellement peu confiance dans le peuple qu’il leur était impossible de considérer la République comme opératoire. Voltaire fait ainsi autant le procès du peuple naturel­lement fanatique que de ses mauvais bergers. Le despotisme éclairé, auquel adhère la majorité des philosophes, est la réponse politique à leur méfiance du peuple. La critique de la monarchie ne conduit pas au répu­blicanisme.

Le terme de démocratie est bien évidemment lié à la liberté souhaitée. Gouvernement du peuple par le peuple, la démocratie exclut le pouvoir d’une autorité qui ne procède pas du peuple. C’est donc d’abord un sys­tème de gouvernement qui tend à inclure la liberté dans les relations de commandement à obéissance. Cette liberté consiste à associer les gouver­nés à l’exercice du pouvoir pour empêcher celui-ci de leur imposer une autorité discrétionnaire. L’individu assure cette participation à l’entreprise gouvernementale par l’entremise de ses droits politiques, mais aussi par la jouissance des libertés individuelles fondamentales. Il importe cependant de ne pas associer systématiquement république et démocratie. Une répu­blique ne recouvre pas forcément un système démocratique, et une démo­cratie n’est pas forcément une république. Il peut exister des monarchies démocratiques et des républiques despotiques ou dictatoriales.

Liens avec les programmes

Dans ce domaine, les programmes manquent de cohérence. En éducation civique, l’étude de la République doit être la passerelle pour la découverte des « diverses formes de participation à la vie démocratique » et « l’émer­gence du suffrage universel ». Dans les programmes d’histoire, la confu­sion est manifeste :

Le XIXe siècle est marqué en France par une lente marche vers le régime républicain, ce qui ne va pas sans détours ni hésitations : monarchie, révolution de 1848, Second Empire, crise de la Commune. La conquête du suffrage universel masculin, du droit de l’enseignement pour tous et des grandes libertés est liée à cette progression.

Antiquité

Temps modernes

XIXe siècle

XXe siècle

L’arrivée des Grecs en Gaule avec une étude possible d’une cité

La République romaine

La Révolution fran­çaise et le Premier Empire : l’aspira­tion à la liberté et à l’égalité, réus­sites et échecs

Les difficultés de la République à s’im­poser en France : un combat poli­tique de plusieurs générations

La Ve République : pour commencer à comprendre le fonctionnement de notre système démocratique

De plus, la volonté d’associer cette « progression » à l’acquisition des libertés fondamentales de l’homme prouve le lien établi dans les pro­grammes avec la démocratie.

Citations

La république affirme le droit et impose le devoir. (Victor Hugo)

La république c’est le droit de tout homme, quelle que soit sa croyance religieuse, à avoir sa part de la souveraineté. (Jean Jaurès)

La république est une anarchie positive. (Proudhon)

La république est le gouvernement qui nous divise le moins. (Adolphe Thiers)

Pour aller plus loin

Duclert Vincent et Prochasson Christophe, Dictionnaire critique de la République, Paris, Flammarion, 2002.

Gauchet Marcel, La Démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard 2002.

L’Histoire, octobre 2001 ; numéro consacré aux présidents de la République.

Rémond René, La République souveraine, Paris, Fayard, 2002.

Rousselier Nicolas, « La République sous la IIIe », Documentation Photographique, n° 7003, 1991.

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