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Didactirun
2 septembre 2016

Concours CAPES

Rapports de jury et commentaires

Rapport de jury

Sujets

 

Questions de concours

Pour la session 2017

En Histoire :
- Gouverner en Islam entre le Xe siècle et le XVe siècle (Iraq jusqu'en 1258, Syrie, Hijaz, Yémen, Égypte, Maghreb et al-Andalus) (question maintenue)
- Sciences, techniques, pouvoirs et sociétés du XVIe siècle au XVIIIe siècle (période de la Révolution française exclue) en Angleterre, France, Pays-Bas/Provinces Unies et péninsule italienne. (nouvelle question)
- Le Moyen-Orient de 1876 à 1980 (nouvelle question)

En Géographie :
- Géographie des mers et des océans (question maintenue)
- L’Union indienne (question maintenue)
- La France des marges (nouvelle question)

Pour la session 2016

Questions d’histoire

  • Le monde romain de 70 av. J.-C. à 73 ap. J.-C. (question maintenue)
  • Gouverner en Islam entre le xe siècle et le xve siècle (Iraq jusqu'en 1258, Syrie, Hijaz, Yémen, Égypte, Maghreb et al-Andalus) (question maintenue)
  • Citoyenneté, république, démocratie en France de 1789 à 1899 (question maintenue)

Questions de Géographie

  • Géographie des mers et des océans (question maintenue)
  • La France : mutations des systèmes productifs (question maintenue)
  • L’Union indienne (nouvelle question) Cadrage

 

Épistémologie

Recueil de textes

 

Sciences, techniques, pouvoirs et sociétés du XVIe siècle au XVIIIe siècle (période de la Révolution française exclue) en Angleterre, France, Pays-Bas/Provinces Unies et péninsule italienne (nouvelle question)

L’espace retenu constitue un choix limitatif mettant en valeur le fait que le cœur de la révolution scientifique – c’est-à-dire le moment où s’impose la nouvelle pratique expérimentale et l’établissement de la vérité scientifique dans le cadre du laboratoire – eut sans doute bien pour terrain d’exercice majeur un espace situé entre France, Angleterre et péninsule italienne, l’ajout des Pays Bas permettant de faire jouer les échelles en ajoutant un espace plus modeste mais innovant. Ce choix permet en outre aux candidats de ne pas se perdre dans l’immensité d’une question qui se serait étendue à toute l’Europe. Les circulations, les diffusions et les réceptions au sein de l’espace considéré permettront d’ailleurs de prendre en compte les découvertes ou innovations nées dans un espace plus large et de pallier pour une part le fait de ne pas inclure dans la question des territoires où se sont constitués aussi des apports importants à la science préclassique et classique. La dimension globale de l’histoire des savoirs scientifiques et techniques elle-même n’est pas exclue, dans la mesure où elle concerne l’impact des circulations extra-européennes et des effets du laboratoire colonial sur la production de savoirs scientifiques et techniques en Europe (organisation des voyages lointains, méthodes d'enquête et de mesure conçues à cet effet et réception des savoirs locaux en Europe).

La période qui court de la fin du Moyen Âge aux Lumières (La_philosophie des Lumières) en Europe a été privilégiée par les recherches en histoire des sciences et en histoire des techniques parce que la science classique et les académies ont compté parmi les principaux terrains de recherche de l’histoire sociale et politique des sciences et parce que l’invention technique a été identifiée comme cruciale dans la légitimation des pouvoirs politiques (locaux, centraux) depuis le XVe siècle, en même temps que s’affirmait la figure des ingénieurs, au service des puissants.

L’histoire des sciences et l’histoire des techniques se sont profondément renouvelées depuis une génération. L’un des points forts de ce renouvellement est la montée de l’intérêt pour la construction sociale et politique des savoirs, sous l’influence de plusieurs courants, s’inscrivant au sein de la discipline historique dans la droite ligne des Annales et de la Revue de synthèse et se développant en lien avec la sociologie, l’anthropologie et l’ethnologie des connaissances. Les historiens ont fourni de nombreux travaux sur la place des sciences et des techniques dans les sociétés et ont montré qu’elles se situaient au cœur des relations de pouvoir. Le libellé n’incite donc nullement à une classique histoire internaliste des idées scientifiques ou techniques. Ainsi ne demandera-t-on pas aux candidats de connaître les contenus des Discorsi de Galilée ou des Principia de Newton, mais simplement de retenir les grandes lignes des apports de ces auteurs aux sciences de leur temps et d’examiner l’interaction de leurs idées avec la société et les pouvoirs religieux, politiques, académiques.

Si ces approches constructivistes liant sciences, techniques, sociétés et pouvoirs ont connu un fort développement à l’international, notamment dans le domaine de l’histoire sociale des sciences, les historiens en France ont aussi fortement contribué à cette dynamique, ce qui permet de disposer d’une bibliographie accessible et renouvelée sur la France, sur les différents États européens et sur l’Europe des sciences et des techniques. De plus, les principaux travaux étrangers ont été traduits en français ou bien sont accessible en anglais. L’édition de sources a également progressé et de nombreuses sources imprimées dans ce domaine sont désormais numérisées. La production même de cette littérature technique, entre traités, encyclopédies, livres de secrets et manuels, la question des langues et de la traduction, celle du texte et de l’image, celle du manuscrit (écriture du voyage, notes de laboratoires, devis d’ingénieurs, comptabilités artisanales ...) ont fait l’objet de nombreux travaux, accessibles en français, qui permettent d’analyser les documents. Il en va de même pour l’étude des images mais aussi pour celle des objets comme sources : l’histoire des sciences et l’histoire des techniques jouent un rôle majeur dans les visual studies, dans l’étude de la culture matérielle et des collections, dans l’essor des reconstitutions d’expériences et de machines, y compris par le numérique, qui forme un volet actif de la recherche actuelle, bien documenté lui aussi.

Deux autres points forts sont à souligner afin de cadrer le périmètre du sujet :

- Les relations entre sciences et techniques ont fait l’objet de réflexions spécifiques, ce qui justifie de coupler ces savoirs et de conduire les candidats à interroger ces liens, la construction de ces catégories, leur acception dans le passé ainsi que les divergences qui font aussi partie de leur histoire. Loin de concevoir la vérité scientifique comme universelle et s’imposant à l’humanité telle une téléologie, les historiens des sciences ont mis en valeur la contingence des découvertes et les contextes de production des sciences, qu’il s’agisse des « lieux de savoir » ou de l’impact des dispositifs matériels et des techniques (instruments, dispositifs, gestes, savoir-faire) dans la recherche et l’expérimentation, en liaison avec les régimes (et usages) politiques et religieux de la vérité scientifique. La place des techniques et de la matérialité dans la Révolution scientifique est de plus en plus affirmée alors que pendant longtemps, on a fait se succéder la Révolution scientifique et la Révolution industrielle (assimilée à une révolution technique). Enfin, la compréhension de la science en action induit la prise en compte des limites et des difficultés rencontrées lors de la sortie du laboratoire (contraintes environnementales, économiques, sociales, culturelles etc.)

- Du côté des techniques, de manière symétrique, c’est précisément la notion de science appliquée qui a été interrogée et qui est de plus en plus perçue comme un mode de domination de la science académique sur les savoirs des praticiens à partir du XVIIe siècle, appuyé par le topos de « la science éclairant l’artisan ». Les techniques ont été perçues comme autonomes et irréductibles à l’application de la science et le sens ancien de la technologie comme science de la technique et des intentions opératoires a été restitué. L’étude de l’intelligence technique a sous-tendu les recherches pionnières sur les ingénieurs et a permis d’identifier une rationalité spécifique, que l’on reconnaît maintenant aussi chez d’autres praticiens, tels les artisans, dont l’étude constitue un front avancé de la recherche, renouvelant aussi bien l’histoire de l’édition technique que celle des savoir-faire, par la mise en valeur de la pensée et de l’abstraction nées des pratiques.

Au total, la question apparaît comme un élément intéressant la culture professionnelle des professeurs d’histoire et géographie et la culture des étudiants et des élèves. D’ores et déjà, elle s’articule avec les programmes du secondaire :

- en classe de cinquième, elle est intégrée dans le thème 3 : « Transformations et ouverture sur le monde aux XVIe et XVIIe siècles », qui inclut « les bouleversements scientifiques, techniques, culturels et religieux que connaît l’Europe de la Renaissance (La_Renaissance» ; (Programme)

- en classe de quatrième, dans le thème 1 : « L'Europe des Lumières : circulation des idées, despotisme éclairé et contestation de l'absolutisme », dans le traitement duquel on doit aborder « Le développement de l'esprit scientifique, l'ouverture vers des horizons plus lointains poussent les gens de lettres et de sciences à questionner les fondements politiques, sociaux et religieux du monde dans lequel ils vivent. » ;(Programme

Joseph Nicolas Robert-Fleury, Galilée devant le Saint-Office au Vatican, 1847

- en cycle 4, dans le cadre des croisements entre enseignements, pour lesquels les programmes suggèrent d’aborder les grandes figures de la science au XVIe siècle avec Copernic et Galilée ; (Programme)

- enfin, en classe de seconde, dans le thème 4 : « Nouveaux horizons géographiques et culturels des Européens à l’époque moderne » / « L’essor d’un nouvel esprit scientifique (XVIe - XVIIIe siècle) » (Nouvel esprit scientifique et technique ; Hommes_de_la_Renaissance ; Élargissement_du_monde)

Épistémologie

Histoire de la science moderne

Bruno Belhoste, Histoire de la science moderne, Paris, Armand Colin, 2016

Née en Europe au XVIe siècle, la science moderne est l’héritière des traditions savantes de l’Ancien Monde. Son essor est étroitement lié aux grandes mutations de l’époque moderne : développement des échanges et découverte du Nouveau Monde, divisions confessionnelles, formation des États modernes, émergence de nouvelles techniques... 

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S’appuyant sur les travaux les plus récents en histoire des sciences, ce livre explore les différentes facettes de cette histoire. Il retrace l’exploration du monde à la Renaissance, analyse ce qu’il est convenu d’appeler parfois la révolution scientifique, de Copernic à Newton, et décrit la place centrale occupée par les sciences dans le mouvement des Lumières. Il montre comment la science moderne a accompagné pendant trois siècles le processus de sécularisation qui caractérise la modernité.

Une république des sciences ?

Le siècle des Lumières a hérité de la notion de « République des Lettres », décrite aujourd'hui comme une sphère intellectuelle et sociale organisant la construction et la représentation des savoirs. Les scientifiques y constituent un groupe dont les pratiques s'autonomisent et s'instituitonalisent : est-ce suffisant pour parler d'une « République des Sciences » ? Si le terme est employé à l'époque par Condorcet par exemple, il reste pourtant une construction dépeignant un idéal non atteint, et l'« empire des sciences » est loin d'avoir des frontières, intenres ou externes, aisément repérables.

Une histoire sociale de la vérité

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Quelles sont les conditions nécessaires à l’existence d’un bien collectif comme le savoir ? Comment distinguer le vrai du faux ? Selon quels critères accorder sa confiance ? Dans Une histoire sociale de la vérité, Steven Shapin raconte comment la notion de « vérité scientifique » s’est constituée dans l’Angleterre du XVII siècle. Il recrée avec élégance l’univers des gentilshommes philosophes (Francis Bacon et Robert Boyle en tête) à une époque cruciale pour la science moderne. Il livre un tableau très vivant des relations entre culture mondaine et pratique scientifique. Les codes de conduite des gentilshommes d’alors prônant la confiance, la courtoisie, l’honneur et l’intégrité ont en effet fourni des solutions efficaces aux problèmes de crédibilité de la science, et garanti la fiabilité des connaissances sur le monde. À partir de ce récit historique détaillé, Steven Shapin discute plus largement de l’établissement du savoir factuel en science, mais aussi dans la vie quotidienne. Sa peinture des moeurs des gentilshommes philosophes lui permet d’illustrer l’affirmation selon laquelle la confiance est impérative dans la constitution de tout savoir, qui reste avant tout une entreprise collective. Un ouvrage devenu l’une des références internationales incontournables de la sociologie des sciences et des sciences sociales dans leur ensemble.

Les sciences studies

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Le livre présente, de façon systématique, le renouveau qu’ont connu l’histoire et l’étude des sciences (les Science Studies) depuis trente ans. Mettant en garde contre les batailles faciles et de peu d’intérêt entre « rationalistes » et « relativistes », Dominique Pestre nous introduit à la complexité des problèmes qui ont été soulevés et qui restent sans solutions simples. Montrant en quoi ce renouveau n’est pas propre à l’histoire et à l’étude des sciences, mais qu’il est vrai de l’ensemble des sciences sociales, il en étudie les conséquences.

En termes épistémologiques, en revenant sur les grands classiques ; en termes économiques et sociaux, en analysant les intrications profondes entre les sciences, les techniques et les pouvoirs ; en termes historiques, en parlant de régime de production et de régulation des sciences en société ; en termes politiques, enfin, en revenant sur les débats contemporains autour des techno-sciences et de leurs effets.

Histoire de la science moderne de Bruno Belhoste

« En trois siècles, ce que nous appelons aujourd’hui ”la science” a pris en Europe un autre visage. Au début du XVI siècle, l’Église exerce encore son plein contrôle sur les lettrés, dont la plupart appartiennent à l’univers des clercs. Les sciences, définies à la manière d’Aristote comme des connaissances certaines, sont intégrées dans l’édifice scolastique, couronné par la théologie. En même temps, l’héritage antique reste un modèle indépassable et les savoirs pratiques et artisanaux, s’ils existent, n’occupent qu’une place relativement accessoire malgré un dynamisme remarquable. À la fin du XVIII siècle, le tableau est tout différent. La République des lettres, entièrement laïcisée, étend son réseau sur l’Europe entière. Le monde savant, organisé et protégé par les pouvoirs séculiers, paraît avoir triomphé. L’ancienne philosophie naturelle a laissé place à une physique fondée sur l’expérimentation et les mathématiques, tandis que de nouvelles sciences se sont constituées, couvrant désormais tous les domaines des savoirs ou presque. La science forme le cœur du projet des Lumières, auquel elle fournit à la fois un argumentaire et des moyens d’application. Que l’entreprise scientifique puisse servir au perfectionnement des arts et à l’amélioration de la vie des hommes est désormais une conviction largement partagée.

Comment s’est effectuée cette grande transformation ? C’est ce que nous avons voulu retracer et expliquer dans ce livre. En premier lieu, la condition des hommes de savoir s’est profondément modifiée à l’époque moderne. La tendance générale a été à la différentiation du monde intellectuel, avec la fin du système scolastique qui caractérisait les universités. Des communautés d’intérêt, composées de lettrés, d’amateurs, d’administrateurs et de praticiens des métiers, se sont constituées autour de domaines et de thèmes spécifiques, par exemple les mathématiques, la géographie, la chimie, l’histoire naturelle ou l’anatomie. Ces regroupements hétérogènes, animés chacun par un projet, sont directement à l’origine de nos actuelles disciplines scientifiques. En même temps, les hommes de savoir ont trouvé de nouveaux publics, grâce, notamment, à l’invention de l’imprimerie et au développement de l’enseignement humaniste. Autant par intérêt que par passion, les nouvelles élites aristocratiques et marchandes ont manifesté dès la Renaissance une soif de connaissances et une curiosité remarquable, apportant leur soutien aux érudits et aux savants. Les États, de leur côté, ont eu besoin d’experts pour renforcer leur pouvoir et leur contrôle sur les peuples et les territoires, tant en Europe qu’outre-mer. À partir de la seconde moitié du XVIIème siècle, la science moderne s’est organisée sur ces bases, dans le cadre des académies et des sociétés savantes, avant de se diffuser très largement, par le livre, par l’enseignement et même par le spectacle, au cours du siècle suivant.

La science moderne a également apporté un bouleversement des représentations et des croyances, au moins pour la partie la plus éduquée de la société, certes encore limitée en nombre, mais largement dominante en termes d’influence et de richesse. Lorsque l’Europe chrétienne s’est divisée au début du XVI siècle, plongeant pour longtemps dans la violence, le monde des humanistes et des érudits a été emporté par le torrent des controverses religieuses. Mais, en même temps, c’est de son sein qu’a été lancée l’entreprise de sape la plus radicale de la doctrine chrétienne, telle qu’elle avait été établie à la fin de l’Antiquité, puis au Moyen-âge. D’un côté, les Écritures saintes ont fait l’objet d’une lecture historico-critique, qui les a désacralisées. De l’autre, le système physico-théologique de la scolastique, laissé intact par les réformes protestantes, a été attaqué et renversé. Le géocentrisme a été abandonné, en dépit de la condamnation de Galilée, et la philosophie naturelle a été remplacée par la physique mécaniste dans sa version cartésienne, puis newtonienne. L’idée même de miracle et de providence a perdu ainsi de sa pertinence. Au Dieu personnel et incarné de la Révélation, est venu s’ajouter, sinon se substituer, un Dieu lointain et impersonnel, simple législateur et horloger du monde. La nature, autrefois divine et peuplée de forces occultes, a été réduite à une ressource inépuisable à exploiter. De créature, l’homme est devenu le démiurge de son destin. »

Bruno Belhoste, « Conclusion » in, Histoire de la science moderne, Paris, Armand Colin, 2016, pp. 271-272.

Le Moyen-Orient de 1876 à 1980 (nouvelle question)

Le Moyen-Orient est une expression forgée en 1902 et renvoyant aux intérêts britanniques sur la route des Indes. En dépit d’une définition géopolitique fluctuante, le jury considère que cet espace correspond aux États actuels suivants : Arabie saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Irak, Iran, Israël, Jordanie, Koweït, Liban, Palestine, Qatar, Syrie, Sultanat d’Oman, Turquie et Yémen. La question n’inclut donc pas l’Afghanistan, l’Asie centrale, les Balkans, le Caucase et le Maghreb.

Au début de la période, cet espace est structuré par deux Empires : l’Iran (appelé Perse jusqu’en 1935 dans les relations internationales) et l’Empire ottoman. La défaite et la disparition de ce dernier après la Première Guerre mondiale entraînent la naissance de la République turque (1923), ainsi que la création ou l’indépendance d’États arabes, constitués pour partie sous l’égide de puissances européennes mandataires de la Société des Nations. En 1948, le mandat britannique en Palestine prend fin : l’État d’Israël est créé ; l’État arabe palestinien ne voit pas le jour.

La question mise au programme s’étend de l’année 1876, qui marque la promulgation de la Constitution ottomane, à l’année 1980, qui correspond au lendemain de la révolution et de l’avènement d’une république islamique en Iran, au début de la guerre Irak-Iran et au coup d’État militaire en Turquie. Ce siècle est marqué par : 

- de 1876 à 1914 : la mondialisation des échanges ; le renforcement des États et des moyens de gouvernement; le développement des impérialismes européens, des nationalismes, des idéologies politiques et des mouvements révolutionnaires ; la mutation des sociétés rurales et urbaines ; les réformismes et les nouvelles pratiques culturelles ; les questions communautaires et confessionnelles parmi lesquelles la question arménienne ;

- de 1914 à 1924 : la Première Guerre mondiale et ses conséquences sur les populations et les sociétés ; le génocide arménien et assyro-chaldéen ; la Révolte arabe ; l’occupation militaire d’une grande partie du Moyen-Orient par les Européens et la mise en place des mandats de la SDN ; la guerre en Anatolie, la création de la République turque et la suppression du califat ottoman ; l’avènement de la dynastie Pahlavi en Iran ;

- de 1924 à 1948 : la mise en place des États, des frontières et des territoires ; la construction des identités nationales ; la question kurde ; la diversité des cultures politiques ; de nouveaux modes de vie ; l’enjeu de l’éducation et de la jeunesse ; les contestations de l’ordre colonial et mandataire ; le développement du Foyer national juif en Palestine ; la Seconde Guerre mondiale ;

- de 1948 à 1967 : la création de l’État d’Israël et le conflit israélo-arabe ; la question palestinienne ; les mobilisations nationalistes ; les révolutions arabes ; la montée des régimes autoritaires ; le multipartisme en Turquie ; les réformes agraires et les modèles d’industrialisation ; la Révolution blanche en Iran ; l’économie du pétrole ;

- de 1967 à 1980 : les guerres (guerre des Six jours, guerre de 1973, guerre du Liban, début de la guerre Irak-Iran) ; la crise du nationalisme arabe ; l’occupation des territoires palestiniens ; l’indépendance des États du Golfe ; les enjeux pétroliers ; le tournant islamiste ; le traité de paix égypto-israélien (1979) ; la révolution iranienne ; la déstabilisation politique et le coup d’État de 1980 en Turquie.

Dans ce cadre chronologique et événementiel qui devra être connu, on étudiera particulièrement les populations et les sociétés, les évolutions religieuses et culturelles, la formation des États et des mouvements politiques, l’économie et les enjeux du développement, les guerres et la violence.

Il s’agit donc d'aborder la région en elle-même et pour elle-même : la question ne porte ni sur l’histoire de la colonisation, ni sur l’histoire des relations internationales.

La connaissance du Moyen-Orient contemporain apparaît comme constituant un élément de la culture professionnelle des professeurs d’histoire et géographie. De manière plus spécifique, son étude éclaire les programmes scolaires du second degré : la conflictualité de la région (classes de Terminale et de Troisième) doit être réinscrite dans des processus historiques de mondialisation, de croissance économique, de mutation des sociétés, de violence et de meurtres de masse (classes de Première et de Troisième). Ces processus relient l’histoire du Moyen-Orient au temps de l’Europe et du monde. 

"Gouverner en Islam"

Rapport de jury 2014

Cette question porte sur la part du monde islamique issue du premier siècle des conquêtes et qui est restée attachée, tout au long ou pendant une large part de la période considérée, à la langue arabe du premier gouvernement impérial.
C’est pourquoi elle exclut l'Anatolie et les Balkans, l'Iran, l'Asie Centrale et le monde turcique, les Indes, l'Islam malais et l'Islam africain, tous espaces dont l’historiographie est par ailleurs plus difficile à mobiliser pour les candidats et les enseignants qui les préparent au concours.

Elle s’ouvre avec le moment où la proclamation de trois califats rivaux (à Bagdad, à Mahdiya, puis au Caire, et enfin à Cordoue après 929) le prive de son unité impériale, puis y renouvelle peu à peu, avec l’emprise croissante des « peuples nouveaux » (Turcs, Berbères), le fonctionnement des armées et de l’État. Elle se prolonge jusqu’aux bouleversements de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle : chute de Grenade (en 1492), chute du Caire aux mains des Ottomans (en 1517), émergence du chérifisme dans le Maghreb extrême.

L’intitulé met l’accent sur la culture politique de l’Islam. Tous les aspects de la pratique du gouvernement seront donc sollicités : légitimation des pouvoirs puisque leur multiplicité les place désormais en constante position de rivalité ; ambitions universelles, conquêtes tribales et consolidations impériales ; constitution des armées, tribales, mercenaires ou serviles, conduite de la guerre, poids et distribution de la fiscalité; ethnicité des castes et des fonctions dans l’État ; titulature des princes, affirmation des califats, des sultanats, des pouvoirs délégués ; mise en place et en scène des souverainetés, sédentarité ou itinérance du pouvoir, sièges et repos de la puissance, villes capitales, palais ou citadelles, mausolées et nécropoles ; autorité et privilèges religieux des califats, pratiques orthodoxes, audaces hétérodoxes et dévotions soufies ; magnificence des objets, mécénat des édifices et des fondations pieuses, enrôlement des savants ; protection, exploitation ou persécution des communautés minoritaires, juives et chrétiennes.

Au total, la question se trouve en adéquation étroite avec l’esprit qui préside à l’enseignement de l’histoire des civilisations dans l’enseignement secondaire :
-
elle souligne la profondeur des mutations historiques durant les six siècles étudiés, et invite à ne pas présenter la civilisation islamique comme un tableau sans profondeur temporelle – l’Islam a une histoire, ou plutôt est une histoire ;

- dans toute la mesure du possible, et sans jamais rien retirer aux singularités de l’histoire islamique, elle permet de mettre en valeur les formes impériales du gouvernement qu’on pourra rapprocher d’autres expériences politiques dans d’autres aires de civilisation. 

Quelques précisions

La question envisage un renouvellement épistémologique. Pour vous aider à en comprendre les enjeux, un premier cadrage spatial et chronologique semble nécessaire.

"L'Islam des premiers siècles s'est établi en un espace dont le coeur avait vu se succéder depuis plus d'un millénaire diverses constructions impériales, depuis l'époque des Assyriens jusqu'à l'âge de la domination des Romains et des Sassanides. En moins de trois décennies (622-651) les troupes menées sous la conduite de Muhammad, prophète de l'islam, puis de ses successeurs, les califes Abû Bakr, Umar, Uthman et Alî, avaient fait reconnaître leur autorité dans l'ensemble de l'Arabie, s'étaient emparé de la Syrie et de l'Égypte, de la Mésopotamie et de l'Iran. Cette conquête s'était ensuite poursuivie sous la première dynastie de califes arabes, les Omeyyades (660-750), à l'ouest vers le Maghreb et la péninsule ibérique (désormais désignée sous le nom d'al-Andalus), ainsi qu'à l'est vers l'Asie centrale et la vallée de l'Indus, lui donnant ainsi une extension et des frontières qu'il conserva peu ou prou jusqu'au XIème siècle. L'Empire de l'Islam était né. Adossé à une religion, au départ réservée à l'élite des conquérants, qui s'affirmait comme une forme supérieure et accomplie du monothéisme, il rassemblait des peuples et des langues, de cultures et de religions diverses. La consolidation impériale, entamée par les Omeyyades et prolongée par les Abbassides à partir de 750, dota progressivement ce vaste espace d'un cadre administratif et judiciaire plus ou moins unifié, ainsi que d'une nouvelle culture à vocation universelle, formulée en langue arabe. Si l'islam en tant que religion mit longtemps avant d'être adopté par la majeure partie des populations, l'adoption de l'arabe comme langue de pouvoir et de culture fut beaucoup plus rapide. Dans les régions du Proche-Orient (Iraq et Haute Mésopotamie, Syrie, Égypte, Arabie), l'arabe était même, à l'aube du second millénaire, la langue de tous les jours pour la très grande majorité des populations. Il le demeure encore aujourd'hui. C'est dans ces régions profondément arabisées que nous sommes invités à observer et analyser le devenir de l'Empire de l'Islam entre le Xème et le XVème siècle, alors que son unité politique a désormais volé en éclat.

Les limites chronologiques de la question (...) ont été définies au regard d'événements politiques majeurs, qui n'eurent pas le même impact d'une région à l'autre. Pour le Proche-Orient, la date de 892, marquant le retour du calife abbasside à Bagdad après le déplacement de la capitale à Samarra durant plus d'un demi-siècle, est le point de départ que l'on peut retenir. L'étude de l'Iraq et de la Haute Mésopotamie est interrompue après 1258, avec la chute du califat abbasside de Bagdad et l'installation du nouveau pouvoir mongol, tandis que celle de la Syrie, de l'Égypte et de l'Arabie dit être prolongée jusqu'à la conquête ottomane de 1516-1517. Pour l'Occident musulman (auquel il faut adjoindre la Sicile jusqu'en 1061, date du début de la conquête des Hauteville), la période traitée commence avec l'avènement du nouveau pouvoir fatimide en 909, et ses conséquences sur toute la région. Au Maroc, l'extinction de la dynastie mérinide en 1465 et l'avancée des conquêtes portugaises (prise d'Assilah et de Tanger en 1471) témoignent d'une décomposition de l'autorité publique qui ne prendra fin qu'avec le triomphe des Saadiens au XVIème siècle. La chute du royaume de Grenade en 1492, si elle marque la fin d'al-Andalus, constitue aussi une césure pour l'ensemble de l'Occident musulman, avec l'accélération des attaques chrétiennes contre les cpotes du Maghreb et les premières interventions ottomanes. Le fait d'envisager une aussi vaste période et un aussi large espace invite à se concentrer sur des évolutions politiques observables sur le long terme, plus que sur l'histoire événementielle des dynasties de l'Islam en tant que telle".

Cyrille Aillet, Emmanuelle Tixier, Éric Vallet (dir.), Gouverner en Islam, Xème-XVème s., Paris, Atlande, 2014.

Au-delà du seul contexte et de la description des outils de gouvernement, Christine Mazzoli-Guintard suggère quelques pistes de travail sur les représentations du pouvoir (les fastes de la vie princière, gouverner les âmes...) : 

"Les limites spatio-temporelles du sujet dessinent un ensemble cohérent, celui de la majeure partie du monde musulman entre le Xème siècle et le XVème siècle; ces six siècles sont riches de transformations majeures, qui font passer du moment unitaire du califat et de la naissance de deux califats rivaux de Bagdad, à Kairouan et à Cordoue, aux temps des États régionaux aussi bien en Orient qu'en Occident, celui des Rasulides d'Aden, des Mamelouks du Caire, des Hafsides de Tunis, des Abdelwadides de Tlemcen, des Mérinides de Fès et des Nasrides de Grenade. La thématique retenue, ”gouverner en Islam”, est en effet celle du pouvoir : elle conduit à envisager tous les acteurs du jeu politique, le souverain, ses fils, ses femmes et son épouse favorite, ses courtisans, les fonctionnaires du palais, les membres de l'administration centrale et provinciale, mais aussi bien sûr les sujets sur lesquels s'exerce l'autorité de l'émir, du calife ou du sultan, et les aspects de la vie de ces sujets réglés et dirigés par le pouvoir. Au-delà des aspects matériels des modes de gouverner, la thématique amène à considérer l'idéologie du pouvoir, son contenu, ses modes d'élaboration et de circulation, la manière somme toute de légitimer le pouvoir ; l'image du pouvoir s'affiche lors des cérémonies, qui sont autant d'occasion de montrer les insignes de souveraineté, et elle se donne à voir également dans les inscriptions qui rappellent les titulatures princières, ainsi que dans la monnaie, l'un des meilleurs supports de l'idéologie du pouvoir".

Christine Mazzoli-Guintard, Gouverner en terre d'islam, PUR, 2014. 

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Epistémologie

 

Islam/islam

« ”Ce mot se prend pour la Religion, et pour le pays des Mahométans”, affirmait déjà la Bibliothèque orientale d’Herbelot à la fin du XVIIème siècle, première véritable encyclopédie consacrée à l’Orient dans une langue européenne. Islam, qui signifie au départ, en arabe, ”une entière soumission et résignation du corps et de l’âme à Dieu” (D’Herbelot), servit en effet à forger, à l’aube des Lumières, le terme islamisme qui désignait la seule religion musulmane, sur le modèle de christianisme et judaïsme. Il y avait là une vraie innovation : alors que l’on avait toujours parlé en Europe de religion ”mahométane” afin de mieux signifier dès son origine humaine, les premiers savants orientalistes voulurent rompre avec cet usage apologétique en recourant au terme même qu’utilisaient les musulmans pour nommer leur propre religion. La forme islam finit par s’imposer dans les différentes langues européennes au XXème siècle avec sa double signification religieuse et territoriale, alors qu’islamisme, tombé en désuétude, ne reprit du service qu’à partir des années 1970, selon l’acception politique qu’on lui connaît aujourd’hui. Le maniement de ces termes savants passés dans le langage courant est souvent source de confusion auprès du grand public : ainsi les ”arts de l’Islam” ne se limitent-ils pas aux seules œuvres de musulmans, de même que juifs et chrétiens participent également de la philosophie islamique, qui n’est pas seulement musulmane – et en aucune manière islamiste. Pour lever en partie l’ambiguïté, un usage français tardif, qui fait aujourd’hui consensus dans les récits spécialisés, propose de distinguer typographiquement l’islam religion (avec une minuscule, correspondant à l’adjectif ”musulman”) de l’Islam monde (avec une majuscule, correspondant à l’adjectif ”islamique”).

 

Longtemps l’étude historique de l’islam/Islam prit sa source dans la philologie. On était spécialiste des langues orientales (arabe, persan, turc) avant d’être historien. Dans les années 1950-1970, revendiquant justement de traiter les sources de cet Orient proche avec la même rigueur, les mêmes outils et les mêmes grilles d’analyse que celles de l’Occident, Claude Cahen contribua, avec d’autres (Lombard, Mantran, Rodinson, Sourdel), à installer durablement l’histoire générale de l’Islam dans le champ plus général des études historique en France. Cette promotion, nourrie par une critique mesurée de l’orientalisme, s’accompagna par la suite d’un rééquilibrage important en direction de l’histoire des derniers siècles du Moyen âge (époque mamelouke) et de l’Empire ottoman, avec l’introduction de problématiques variées qui empruntaient aussi bien aux champs de l’histoire économique et sociale qu’à ceux des ”mentalités” ou de l’anthropologie historique (Garcin, Raymond, Veinstein). Durablement marquée par le contexte de la décolonisation, l’histoire contemporaine du monde arabe s’affirma plus difficilement, entre confluence et concurrence avec les sciences politiques, la sociologie ou l’anthropologie. La multiplication des études sur l’Islam non arabe (mondes turc et persan, Afrique subsaharienne, Asir du Sud et du Sud-Est) depuis les années 1970 représente également une tendance de longue durée, de même que l’internationalisation croissante de la recherche, avec l’essor des départements d’histoire dans le monde islamique lui-même et dans les universités anglo-américaines, qui occupent aujourd’hui une position dominante dans l’ensemble de ce champ.

 

L’exigence d’un traitement systématique de sources écrites abondantes impliquant la maîtrise d’une ou plusieurs langues orientales continue de fonder une spécificité disciplinaire forte, au sein des différentes périodes de l’histoire comme dans le rapport avec les autres sciences sociales traitant de l’Islam. Près de trois millions de manuscrits islamiques seraient aujourd’hui conservés dans le monde, sans compter toute la production imprimée moderne. L’étendue des sources disponibles s’est considérablement enrichie au cours du dernier demi-siècle avec la redécouverte de corpus massifs tels que les actes des fondations pieuses (waaf-s), les fonds de la Geniza du Caire, les registres des tribunaux, la littérature hagiographique et mystique ou les épopées historiques (sîra-s), ou avec la collecte de données, abondantes mais parcellaires, issues de prospections et de chantiers archéologiques plus nombreux. Pour le temps des origines où la documentation est plus rare, une réflexion approfondie sur les méthodes d’analyse et un traitement plus systématique des sources ont permis d’importants renouvellements.

 

De tout cela, il ressort aujourd’hui une histoire complexe, foisonnante, une pluralité d’évolutions et de situations qui conduit à privilégier une histoire des pays d’Islam plutôt qu’une histoire de l’Islam pris dans sa globalité – au risque de prendre à rebours une demande sociale avide de certitudes tranchées sur l’islam-religion tout autant que sur l’Islam-monde. La technicité croissante des études nourrit un décalage parfois vif entre l’état de la production scientifique et les connaissances diffusées auprès du public non spécialiste. L’enseignement secondaire et supérieur n’accorde qu’une place restreinte à une histoire qui reste centrée sur le monde arabe, et orientée principalement dans la perspective figée de ses relations avec l’Occident. Sortir l’Islam du seul cadre méditerranéen est pourtant essentiel pour comprendre son évolution à compter des derniers siècles du Moyen-âge. Au-delà d’une seule lecture faite au prisme du religieux qui tend trop souvent à s’imposer, il convient également de faire droit à l’étude des dynamiques politiques, sociales, économiques et culturelles, qu’elles soient originales et spécifiques au monde de l’Islam, ou partagées avec les sociétés qui l’entourent. Décloisonner l’histoire de l’Islam/islam pour mieux comprendre sa place dans l’histoire du monde : cette tâche reste plus que jamais d’actualité ».

 

Éric Vallet, « Islam », in Dictionnaire de l’historien, Paris, PUF « Quadrige », 2015. 

 

Recueil de documents

À lire

 

 Citoyenneté, démocratie, république (1789-1899)

 Rapport de jury 2014

"Cette question se propose de couvrir, durant un long XIXe siècle, l’histoire des développements pluriels de trois thèmes majeurs de l’histoire de la France et de son empire colonial. Ces thèmes sont liés de manière indissociable aux champs politique, social et culturel de la France : il s’agit donc de ne pas dissocier mais d’articuler, d’analyser les mutations sociales et culturelles – éducation, croissance des mondes ouvriers, presse, iconographie... – qui contribuent à façonner l’ensemble des réflexions et des pratiques politiques (mobilisations, élections...), d’étudier les phénomènes de politisation de la société et leur capacité ou non à construire une démocratie en acte.

Le point de départ : 1789 renvoie au début de la Révolution française et à la révolution des droits ; il se réfère à la naissance de la citoyenneté contemporaine, avant que l’été 1792, avec l’élection au suffrage universel masculin et la naissance de la République, ne fassent coïncider les trois dynamiques du sujet de façon nouvelle. Le terme retenu : 1899 renvoie à l’établissement durable de la IIIe République après les graves crises sociales, politiques, identitaires traversées durant les années précédentes ; il marque une étape décisive mais ne constitue évidemment pas un point final consacrant un processus achevé et une démarche téléologique ; sur un plan factuel, il correspond tout à la fois à la formation du gouvernement dit de « défense républicaine », engagé dans la lutte pour l'état de droit et la restauration des libertés civiques, et à la promulgation de textes qui interrogent les principes démocratiques : extension du régime de l’indigénat (Madagascar) et décret Millerand sur le travail des étrangers en France.

Pour l’ensemble de la période ainsi délimitée, il s’agit de définir chacun des thèmes de la question et de penser leur interaction.
La question retenue conduit à rencontrer des hommes, des femmes, des étrangers, des
populations colonisées ou dominées au cœur des enjeux de politiques d’intégration : obtention de la citoyenneté, assignation de statuts en marge de la citoyenneté voire refus de citoyenneté entière, politique d’exclusion de la citoyenneté... Elle n’oublie pas non plus les formes d’oppositions : depuis 1789, davantage encore avec l’avènement de la République, une population non négligeable de non-républicains a manifesté son refus des programmes de construction civile et nationale articulés au triptyque citoyenneté, république et démocratie. Les échecs, les inégalités civiques et les rejets seront donc ici pesés.

Si la France est au centre du sujet, l’universalisme souvent revendiqué des idées, pratiques et représentations du politique, les forme d’influence et d’action à l’international et les programmes transnationaux (projets européens) sont inclus dans la réflexion.

Au total, cet intitulé met donc l’accent sur les débats et enjeux politiques dans toutes leurs dimensions et sur leurs acteurs et actrices de ces débats et enjeux

La question :
-
est ainsi en adéquation avec les programmes de l’enseignement secondaire (classes de Seconde et Première) qui visent à doter les lycéens d’une culture politique et abordent les problématiques de compréhension des mutations du politique et de démocratisation des sociétés en France, en Europe et dans le monde à partir de la Révolution française ;
- témoigne par ailleurs du dynamisme d
e l’histoire de la France et de l’internationalisation de cette historiographie"

Rapport de jury 2014. 

Quelques précisions :

Une dimension civique contemporaine

La République. Armand CAMBON

« Les débats récents sur la laïcité et le port du voile ou sur le vote des étrangers, les remises en cause par un certain nombre de groupes minoritaires de l’appartenance à la nation française, autour par exemple de la Marseillaise, les revendications partisanes autour du Gaullisme, de Jeanne d’Arc ou de Jean Jaurès et, de façon plus large, autour du processus d’intégration européenne, tout cela a contribué à réactualiser les questionnements concernant la citoyenneté, république et démocratie. L’histoire retrouve pleinement sa capacité à éclairer l’éducation civique du citoyen d’aujourd’hui. En fait, la question des relations entre citoyenneté, république et démocratie, en France notamment, a été abordée, depuis longtemps sous l’angle du mouvement des idées et, à l’initiative des juristes surtout, sous celui des pratiques constitutionnelles, beaucoup moins sous celui des tendances lourdes de l’économie de la société ».

Dominique Barjot et Michel Figeac (dir.), Citoyenneté, république et démocratie en France de 1789 à 1899, Paris, Armand Colin, « SEDES », 2014. 

"Citoyenneté, république, démocratie : ces trois fondamentaux du politique sont abîmés dans la France de 2015. Donner une profondeur historique à leur analyse, en particulier au cours de la période qui s’étend des débuts de la Révolution (1789) à la stabilisation de la IIIe République (1899), permet de mieux comprendre la complexité des problèmes actuels et de se prémunir contre toute vision simplificatrice et téléologique. Se dégagent en effet des évolutions, mais aussi des invariants, au travers des rapports que les trois termes ont pu entretenir au cours d’un grand xixe siècle". 

Jean Garrigues, Eric Anceau, « Introduction », Parlement[s], Revue d'histoire politique 2014/3 (n° 22), p. 11-13. 

"Un tel intitulé accumule les pièges et les difficultés"

« ”Citoyenneté, république, démocratie” : suite de mots et suite de choses. Toute la complexité d’un tel intitulé procède des particularités de sa dimension linguistique. Sans compter que ce sont des mots anciens (mais ”citoyenneté”, dérivé de ”citoyen”, est neuf), lestés d’une histoire séculaire, et qu’ils sont donc à partir de la Révolution française relus, redéfinis, tout en continuant à porter des modèles mémoriels venus d’un très lointain passé. On soulignera, à bon droit, la nécessité de bien remettre en contexte les usages de ces mots, de les rapporter à des locuteurs précis, de souligner les variations sémantiques entre 1789 et 1899, de ne jamais verser dans l’abstraction, de distinguer ce qui est à expliquer et ce qui est explicatif. Il n’empêche, l’analyse historienne se veut synthèse des points de vue, il lui arrive souvent de convoquer le style indirect libre, elle procède par tris et sélections, et elle n’est pas non plus exempte de préjugés ; enfin, la communauté des historiens ne se reconnaît pas forcément dans une interprétation qui s’imposerait par consensus. Par conséquent, un tel intitulé accumule les pièges et les difficultés ; ces trois mots de ”citoyenneté”, ”république”, et ”démocratie” peuvent être lourds de malentendus et d’incompréhensions. Il faut toujours le garder à l’esprit. »

Louis Hincker (dir.), Citoyenneté, république, démocratie, Paris, Atlande, 2014.

« Citoyenneté, république, démocratie : autant de termes consacrés comme des repères fondateurs de l’histoire politique contemporaine française. Malgré leurs usages courants, leurs significations n’en demeurent pas moins complexes et évolutives, ce qui appelle d’emblée à se défier des fausses évidences de la thématique proposée. Fausse évidence chronologique en premier lieu : envisager l’histoire politique nationale à l’échelle d’un siècle foisonnant où se succèdent les régimes politiques et les événements aux répercussions majeures, depuis la convocation des États généraux jusqu’à l’affaire Dreyfus, invite à interroger la cohérence de la période, sans pour autant la réduire au triomphe inexorable de la république. Fausse évidence sémantique ensuite : les références à la citoyenneté, à la république et à la démocratie se multiplient entre 1789 et 1899 mais les usages sont variés voire contradictoires. Un même vocable peut recouvrir des conceptions et des projets fort différents. Fausse évidence politique, enfin : l’attention portée à ces projets n’implique pas de cantonner la réflexion à une sphère bien délimitée par les institutions, les penseurs et les acteurs de premier plan car, et c’est là un trait entre les trois termes du sujet, la question de la participation du plus grand nombre aux affaires publiques est au cœur des débats. Elle constitue un enjeu majeur pour la période. Les luttes politiques et l’évolution des rapports de force s’arriment donc à des changements sociaux et culturels qui ne sauraient être négligés ».

Delphine Diaz, Maxime Kaci, Stéphane Lembré, Citoyenneté, république et démocratie en France de 1789 à 1899, Paris Bréal, 2014. 

"il y a moins de mots que de choses"

"Quelques remarques de bon sens. Les mots sont l’objet de glissements sémantiques : chaque occasion donne un sens à chaque terme. Le seul substantif ”républicain” ne désigne ni les mêmes hommes, ni les mêmes idées, non seulement au fil du siècle, mais aussi entre contemporains qui débattent entre eux à un moment donné ; il ne peut être laudatif pour ses partisans ou accusateur pour ses détracteurs ou opposants. Mais voilà, là comme ailleurs, et même plus qu’ailleurs car l’idéal du consensus politique commande cette économie linguistique, il y a moins de mots que de choses. La guerre fait donc rage autour de ce bien rare que sont les mots, et de surcroît cet enjeu majeur de la langue politique a été directement transmis des acteurs de l’histoire à l’historiographie elle-même."

Louis Hincker (dir.), Citoyenneté, république, démocratie, Paris, Atlande, 2014.

"L'ordre du discours"

« Or, la formation d’une langue politique et nationale commune, qui est un des grands enjeux de la période, n’est elle-même qu’un produit des procédures de contrôle, de sélection, d’organisation, de redistribution qui déterminent les significations. Elle n’est que l’aboutissement d’un ”ordre du discours” dont parlait Foucault, face à la multiplicité des énoncés, à leur prolifération, leur dispersion jugée dangereuse. La Révolution française introduit dans le domaine linguistique des changements radicaux : le français prend de la consistance, il se transforme, s’enrichit, intègre des néologismes, voit une part de son vocabulaire rejetée dans un passé obsolète (le vocabulaire féodal par exemple), et enregistre des modifications de significations d’une série de termes qui existaient auparavant (c’est le cas de ”démocratie”, ”peuple”, ”république”, ”nation”). Il y a regénération de la langue ; plus précisément, la langue française ne sert pas seulement à dire et à organiser les nouveaux rapports sociaux, elle est désormais une langue universelle qui fixe les droits de l’homme et du citoyen. Les représentants de la Nation ont posé les bases d’une nouvelle communauté politico-linguistique et l’égalité en droit doit être une égalité en langue ». 

Louis Hincker (dir.), Citoyenneté, république, démocratie, Paris, Atlande, 2014.

"Un idéal de cité politique"

« Les contemporains des années 1789-1899 ont un idéal de cité politique qui correspond à l’idée du consensus. Celui-ci est envisagé bien différemment ; et puisqu’il est un idéal, il est conçu comme un maximum du politique. Qu’on l’appelle simplement ”ordre social”, ou bien plus ambitieusement ”Nation” quand il s’agit notamment de l’opposer aux prétentions des monarques, il s’agit bien d’un être collectif magnifié au caractère éminemment contractuel, mais pour lequel reste ouverte la question des limites, tantôt devant une raison d’état, ou encore face aux forces centrifuges qui traversent la société. La République en est une des variantes possibles, pas la plus évidente au yeux de tous à l’échelle de toute la période, en concurrence avec d’autres en tour cas. »

Louis Hincker (dir.), Citoyenneté, république, démocratie, Paris, Atlande, 2014.

« Le renouveau de l’histoire politique depuis une quarantaine d’années invite à s’interroger sur les différents niveaux d’apprentissage de la politique. La République est portée par des théoriciens qui définissent les contours du régime idéal. Mais elle est aussi vécue au quotidien par des hommes et des femmes, même si ces dernières ne votent pas, qui s’initient progressivement aux pratiques démocratiques, à travers les élections, mais aussi la lecture de la presse, la participation à des manifestations ou à des réunions politiques, ce qui suppose un certain degré de culture politique que l’enseignement, en progrès continu tout au long du siècle, permet d’acquérir ».

Jacques-Olivier Boudon, Citoyenneté, république et démocratie en France (1789-1899), Paris Armand Colin, « Collection U », 2014. 

On se gardera du piège téléologique

« On se gardera du piège téléologique. Cette histoire n’obéit pas à un évolutionnisme progressiste : mais elle connaît par contre des configurations analogues, voire répétées, plutôt que des phases ou des ”moments” qui impliqueraient transition vers un plus et un bien. La question posée ne peut être comprise en termes ”d’avènement de”. Sous couvert d’analyse scientifique, l’historien n’a pas à délivrer des brevets de capacité politique, ou inversement d’incapacité, à qui que ce soit. À la fin du XIXème siècle comme aujourd’hui, rien n’est définitif en politique et rien n’est définitivement résolu. De 1789 à 1899, ”citoyenneté”, ”république”, et ”démocratie” désignent des phénomènes qui tantôt convergent et peuvent s’harmoniser, tantôt non ».

Louis Hincker (dir.), Citoyenneté, république, démocratie, Paris, Atlande, 2014.

« À la fin du XIXème siècle, la France est républicaine. Malgré les crises de croissance qui ont accompagné la naissance de la IIIème République depuis sa naissance en 1870, celle-ci paraît enracinée dans le pays. Les Français se sont alors habitués aux pratiques démocratiques qui scandent la vie politique d’un régime qui a introduit le parlementarisme dans les mœurs. Ils sont aussi invités à considérer que l’avènement de la République est le résultat d’une évolution quasi naturelle qui aurait commencé avec la Révolution de 1789 pour s’achever avec l’arrivée des républicains au pouvoir en 1879. C’est du reste dans ce sens qu’est organisé l’enseignement de l’histoire qui fait de la Révolution française le point de départ de l’histoire contemporaine. La victoire de la République comme principe a pourtant été contestée tout au long du XIXème siècle. Avant d’être le siècle de l’avènement de la République, le XIXème siècle a été celui des affrontements autour du meilleur des régime possible, et ce dès l’époque de la Révolution. Cette lutte a opposé partisans de la royauté, eux-mêmes divisés sur la forme à donner à la monarchie, et républicains, lutte un temps arbitrée par les partisans des Bonaparte qui à deux reprises instaurent en France une République autoritaire bientôt transformée en Empire. (…) Et pourtant lorsque l’on évoque la République au XIXème siècle, c’est toujours le souvenir de la République montagnarde et de la Terreur qui rejaillit, sans doute parce que les ”républicains” à partir de la prise de pouvoir de Bonaparte communient dans le souvenir de la construction de l’an I et de la période jacobine, mais aussi parce que les détracteurs de la République ont su jouer du sentiment de peur que fait naître le souvenir de la première expérience républicaine. C’est du reste après s’être débarrassés de cet opprobre que les Républicains pourront envisager son installation définitive en France. Mais l’avènement de la République était loin d’être inéluctable. »

Jacques-Olivier Boudon, Citoyenneté, république et démocratie en France (1789-1899), Paris, Armand Colin, « Collection U », 2014. 

Le sujet de la dissertation d’histoire du Capes 2015 : un choix aberrant

2 avril 2015
Par 

Chères et chers,
Je me suis modestement battu depuis le début d’une mauvaise réforme  pour que les questions du CAPES soient alignées sur celles de l’agrégation, par bon sens et ambition républicaine réunis. La bataille semblait gagnée. Le second temps pouvait être la réintroduction des quatre périodes comme socle du savoir scientifique des futurs collègues.
Je me suis expliqué devant vous l’année dernière sur l’importance de penser la modernité comme socle de la question d’histoire contemporaine  qui engageait la question de la  citoyenneté de la république et de la démocratie que tous nous rencontrons, sous des visages différents, depuis le XVIe siècle. Certains d’entre vous fort légitimement, avaient manifesté leur souci de voir la question de moderne disparaitre.
C’est ainsi que le président du jury d’agrégation a choisi, après proposition de son directoire, le sujet que j’avais composé et proposé avec la vice-présidente du jury. Monsieur l’Inspecteur Général Poncelet a choisi notre sujet, ce dont je lui suis reconnaissant, incluant la période 1789-1815.
Quel n’est pas mon étonnement pour demeurer dans un langage politiquement correct à la lecture du sujet du CAPES portant sur l’engagement républicain et commençant …en…1815.
Pour ceux qui parmi nous donnent un enseignement commun ou séparé aux candidats des deux concours, ce sujet est tout simplement stupide, je mesure hélas le sens du terme! Il met en porte à faux tous les collègues modernistes qui ont participé à la préparation de la question jouant le jeu d’une discipline républicaine pour le bien des étudiants, il n’a aucun sens par rapport à la volonté  proclamée partout que le CAPES doit préparer à un métier où la fusion des périodes doit être abordée, pire que tout, il met en grande difficulté les candidats du capes : on ne peut que se demander comment ils ont du construire leur première partie sans évoquer longuement l’héritage de la Révolution et de l’Empire?  Quelle a pu être leur réaction alors que bien des correcteurs leur avaient répété qu’un sujet de CAPES avait vocation à englober toute la période, indépendamment du fait que pour la troisième année c’est l’histoire contemporaine qui sort… si l’on veut “contemporanéiser” toujours davantage l’enseignement secondaire, le message est on ne peut plus clair…
En tant qu’ancien professeur (heureux) de collège et de lycée et donc professeur de géographie d’histoire et d’EDUCATION CIVIQUE, je me demande quel est le sens de cette volonté manifeste d’écarter l’histoire moderne, l’histoire de la Révolution française  de ce sujet qui, présenté ainsi, n’a ni sens intellectuel, ni valeur de préparation professionnelle, ni perspective civique…

Votre dévoué vice-président de l’AHMUF, et directeur de l’Institut d’histoire de la Révolution française,
Pierre Serna

http://ahmuf.hypotheses.org/3625

Recueil de documents

Fiches de lecture

Les sociétés coloniales 

"Pour la première fois, les concours de l’enseignement secondaire (Agrégation, CAPES, CAFEP) proposent un programme d’histoire contemporaine résolument extra-européen1. Le choix d’aires géographiques très différentes (Afrique, Asie, Antilles) qui permettent d’étudier tous les grands empires du moment témoigne de la très forte dimension comparative du programme. Dans la mesure où il s’agit d’étudier les sociétés coloniales, certains Européens (colons, administrateurs, militaires, négociants, aventuriers, missionnaires...) sont au cœur de la question tout comme le problème de la domination occidentale – mais pas seulement puisque la colonisation japonaise, en Corée et à Formose en particulier, constitue une part intégrante du programme. Cependant, c’est bien la première fois que la situation coloniale, c’est-à-dire la façon dont la question coloniale elle-même – localement, dans la colonie – est au centre des problématiques et non, plus classiquement les relations entre les métropoles et leurs empires dans une relation centre-périphérie univoque2. Composée principalement de populations indigènes autochtones ou allochtones, la focale sera posée principalement sur la

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société colonisée plutôt que celle du colonisateur. Cependant, il n’échappera à personne que l’interaction, la rencontre coloniale, est au cœur de la question du concours. Pour les étudiants qui préparent les concours, comme pour les historiens chargés de les y aider, il devient alors indispensable de « décentrer le regard » et se focaliser sur un local colonial, sans cesse reconfiguré par des circulations en constante évolution sans omettre que la colonie appartient à un ensemble plus vaste, un système impérial avec lequel elle entre, à des niveaux variables, en connexion4. La colonie n’est pas un monde clos. Bien au contraire et comme toute société, elle est poreuse, et intègre à des niveaux variables les mutations induites par la mise en contact entre colons et colonisés. Fruit d’une double histoire, d’une rencontre fondamentalement violente, la société coloniale est un espace de réception, de mises en tensions entre deux mondes asymétriques dans leurs rapports les plus élémentaires, celui du dominant et celui du dominé. Comme le rappelait Balandier, « la société colonisée frappe, d’abord, par deux faits sa supériorité numérique [essentiellement rurale] et la domination radicale qu’elle subit ; majoritairement numérique, elle n’en est pas moins une minorité sociologique ». C’est aussi un espace de mutations comme de résistances. C’est aussi, un espace d’affrontements. En effet, « la violence à l’origine du rapport colonial puisque instaurée par la conquête. Autant que par les armes que par la contrainte [plus ou moins librement consentie], c’est la déstructuration de l’essentiel des cadres sociaux existants qui a rendu possible la mise en place de la puissance [coloniale] ». Paradoxalement, si la société coloniale exclue elle intègre aussi une partie des populations autochtones qui y trouvent intérêt pour de multiples raisons. Le maintien d’une société de colons numériquement très inférieurs mais hégémoniques sur le plan culturel, économique et militaire, parfois même linguistique, ne s’explique que par une participation plus ou moins active d’une partie non négligeable des colonisés à leur propre système de domination. Parfois même la collaboration apparente masque à peine une forme de résistance visant à s’emparer du savoir de l’occupant pour mieux s’en libérer. C’est le sens des mouvements dits « modernistes » qui se développent à l’aube du XXe siècle, en particulier en Asie. Parfois aussi, les administrations coloniales maintiennent en place les souverains traditionnels qui leur sont favorables et peuvent, de fait, figer une société dans un schéma politique qui tend à être essentialisé pour mieux le rendre immuable quitte à réinventer largement la tradition locale3 afin de la manipuler à dessein, à l’exemple du Cambodge, des sultanats malais ou encore du Rajasthan dans l’empire des Indes britannique. La capacité à intégrer les éléments de la « modernité » conquérante – c’est-à-dire une part non négligeable de la culture des colons : la langue, parfois l’écrit, la religion, la culture matérielle, parfois la religion, la culture économique et militaire – explique en grande partie la facilité avec laquelle la société coloniale se reproduisit, quitte à négocier des nouveaux espaces de libertés – ou à les restreindre – afin de maintenir le plus longtemps possible la domination effective, sous quelque forme qu’elle puisse prendre. Cependant, en dépit des travaux les plus récents qui mettent l’accent sur les circulations impériales qui ne peuvent être perceptibles que par un constant jeu d’échelles entre le local – colonial ou métropolitain – le régional (la ou les aire(s) dans lesquelles elles s’inscrivent) et l’échelle impériale ; voire globale, les sociétés coloniales – perpétuellement reconfigurées – sont ici, dans le cadre du programme du concours à étudier pour elles-mêmes, des années 1850 aux années 1950, en privilégiant en particulier l’angle de l’histoire sociale et culturelle dans le cadre de trois grands ensembles spatiaux considérés (Asie, Afrique, Antilles)". 

Claire Laux, Les sociétés coloniales à l'âge des Empires, Paris, Ellipses, 2013. 

Quelques thèmes :

engagesindiens

 

Le Monde Britannique

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Le Prince et les Arts

 

L'Union indienne

 

Cette nouvelle question de programme en géographie des territoires, « l’Union indienne », focalise l’analyse sur un pays, rompant quelque peu avec la traditionnelle étude d’aire régionale continentale ou sub-continentale. Cependant, compte tenu de sa taille, de son impressionnante diversité et complexité, de sa place majeure dans le sous-continent indien et des interrogations multiples qu’il pose, cet Etat répond bien à l’exigence de synthèse par approches plurielles et multi-scalaires qui est la règle.

Géant démographique, second pays le plus peuplé au monde, puissance émergente de premier plan, l’Union indienne, pays des superlatifs, est plus que jamais un acteur incontournable sur la scène internationale.

Trouvant son unité dans sa diversité, elle doit faire face aujourd’hui à une foison de défis : spatiaux, sociaux, culturels, identitaires, écologiques et environnementaux, économiques et géopolitiques. A l’image du kaléidoscope souvent utilisée pour décrire ce vaste territoire, la question embrasse l’ensemble de ces problématiques et met en exergue les contrastes et les ambivalences d’un pays-continent : un territoire sous pression à la fois démographique et environnementale, une population encore majoritairement rurale dans un pays qui compte parmi les plus grandes métropoles mondiales, une société tiraillée entre tradition et modernité, un territoire traversé par de multiples fractures régionales, sociales, culturelles et spatiales, une puissance émergente peinant à résorber une pauvreté endémique s’exprimant dans une informalité urbaine et économique dont la prégnance questionne la notion même d’émergence...

Entre deltas et contreforts himalayens, entre Inde séculaire et Inde des multinationales de l’informatique, c’est l’ensemble de ce territoire pluriel et de cette société multiculturelle qui doit être abordé, dans le triple mouvement d’affirmation nationale, de régionalisation et de mondialisation.

De plus, on ne peut comprendre l’Inde du 21e siècle sans prendre en compte son inscription dans un ensemble régional, lui-même marqué par des relations ambivalentes de bon voisinage et de tensions géopolitiques plus ou moins latentes. En effet, si les enjeux économiques et commerciaux avec ses voisins chinois, pakistanais, népalais, bangladais ou sri-lankais notamment sont très importants, ils restent le plus souvent contrariés par des héritages diplomatiques complexes et des contentieux fluviaux, maritimes ou territoriaux plus ou moins anciens qui contribuent à ralentir le processus d’intégration économique régionale. Aussi, pour être complète, l’étude de l’Union Indienne nécessite d’appréhender le rayonnement de cette dernière à l’échelle de l’ensemble sud asiatique, en mettant particulièrement en évidence les luttes d’influence que se livrent directement ou indirectement les deux géants chinois et indien. 

Enfin, la question suppose aussi d’interroger l’impact de l’immense diaspora indienne qui, de manière discrète mais non moins essentielle, contribue à renforcer la puissance de l’Union indienne. Le rôle des Indiens dispersés dans le monde est en effet déterminant pour la croissance économique du pays, que ce soit à travers le transfert de compétences et de technologies, les investissements directs à l’étranger en Inde ou le versement des remises. Les Indiens de la diaspora constituent également un formidable levier de valorisation culturelle et politique en relayant les intérêts politiques et géopolitiques indiens ou en contribuant au rayonnement culturel sur la scène internationale d’une Union Indienne qui, parfois, les attire de nouveau.

Pour les directoires du CAPES externe d’Histoire-Géographie et de l’Agrégation externe de Géographie
Sylvie Letniowska-Swiat, vice-présidente CAPES externe Histoire-Géographie
Nathalie Bernardie-Tahir, vice-présidente Agrégation externe de Géographie 

La France : mutations des systèmes productifs

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